dimanche 4 août 2013

1153 : samedi 3 août 2013


Il me faut | 3 Dans ce rêve, il me faut le surplus d’énergie, la vigueur à étaler sur l’asphalte et les mots. Il me faut les jambes élancées qui siéent à la course, les pieds plats pour amortir l’enjambée, le front bombé vers l’avant, la fermeté du buste et de la poitrine, le corps gainé, tendu vers une seule et même destinée : déclivités, chemins, côtes, routes, voies, montées, pentes douces, avenues, chaussées, boulevards, toutes les artères et déserts à investir puis évacuer, la chair à transiter. Il me faut la puissance pour le poing, l’explosivité pour crocheter le menton, ricocher dans le nez, appuyer dans l’estomac ou le foi, suspendre le corps des plus robustes en dépit de mon poids quasi plume et de mon sexe. Il me faut le flegme pour ne pas me donner les gants après l’envoi, ne pas me satisfaire d’un bon enchaînement qui à découvert est une déclaration d’attaque. Cravan pouvait, avec l’immensité de sa stature et la démesure de son ego talentueusement placé. Il me faut l’allonge et la poigne afin de reprendre la main et recouvrir la tête pour plus tard. Il me faut l’état de pleine conscience, l’animalité, la brutalité du fait brut, le déploiement de l’instant, le pressentiment, le tour d’avance, un poème de bras vif et instinctif qui va au rythme du flot corporel, la faculté de savoir pour l’autre plus qu’il ne saura jamais de lui-même. Lui aussi, s’instruit empiriquement de ce qui m’est nécessaire, la ritournelle de mes parades et l’agencement des coups, la construction des stratégies, - « Ce serait idiot de mentir, c’est comme au poker – autant dire la vérité, les autres croient que tu bluffes et comme ça tu gagnes. » -, il ira contrer les velléités attaquantes, sécher la bouche, y déranger le dentier, faire suinter la peau, chercher le soupir étourdi, briser le souffle,  mettre trompeusement en confiance, attendrir et amadouer les après-coups. Dans ce rêve, il me faut revenir au corps innocent, soustraire les années, ne pas m’en tenir au durcissement de l’âme, le préparer pour l’après.