vendredi 25 novembre 2011

728 : jeudi 24 novembre 2011

Je rêvais. J'étais entourée de silencieuses présences, élégantes par leur taille qui me dominait, plus que sveltes, ou étrangement sveltes avec leurs têtes extrêmement petites sortant des plis élégants de leur vêtement blanc, drapé comme une toge. Je les sentais bienveillantes, j'écoutais en moi leur sourire invisible sur la tache blanche qu'était leur visage, bienveillantes et peut-être souriantes mais chantonnant, très doucement, très bas, un lamento sans force. Et, me rapprochant de celui qui me faisait face, je m'étonnai de voir que son vêtement était en dentelle, ou plutôt en une sorte de broderie anglaise, dont les trous montrait une peau mate, légèrement rosée, comme celle d'une pèche de vigne. Je tendis la main, instinctivement, mais un geste qu'il fit déplaça la draperie et, sous le tissu, sous toutes les zones pleines du tissu, apparurent des trous, qui me rejetèrent en arrière. Alors la présence me regarda – je voyais maintenant son sourire serré et des yeux pleins de tendresse – et enfonça un de ses doigts dans un de ces trous de son corps, ou ce qui en tenait lieu, et le sourire s'élargit.


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Mon voisin de métro paraît âgé de 27 ans et demi, il a les cheveux très courts, presque rasés sur un petit crâne rond et il porte un foulard à pois. Nous sommes assis côte à côte sur des strapontins. Mon voisin de métro tient sur ses genoux une lettre qui est en fait une seule feuille de papier kraft pliée en trois ; de temps en temps il la déplie puis la replie. À l’intérieur il y a quelques lignes imprimées, un nom centré, mais ce n’est pas un faire-part de naissance ni de décès, peut-être un avis de soutenance de thèse ? À l’extérieur, le cachet de la poste (faisant foi) empêche de voir clairement l’adresse, je parviens néanmoins à lire « Mathieu Stylator, 11 rue du Chemin Vert, 75011 Paris ». Hum ! Mon voisin de métro a tout à fait une tête à s’appeler Mathieu (un prénom que je ne sais jamais comment écrire, faut-il un ou deux t ?) Quant à Stylator… no comment. Numéro 11 de la rue située dans le 11e arrondissement, et nous sommes en 2011… (bon, ce n’était pas le 11 novembre, n’exagérons rien). Mon voisin de métro pousse un petit soupir très discret, mais je l’ai perçu tout de même. Nous sommes très proches.


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Tamel regrettait ce qu'avait fait Gimel, mais le comprenait. Comme il le comprenait ! Lui-même, le jour où il appris, après avoir suivi des pas, des mots et écouté bien des murmures, que "la mort qui nous emmène a toujours notre âge", lui-même a cessé de chercher à éviter le danger et tout au contraire s'est mis à cheminer à la rencontre de sa lisière. Gimel, bien plus impétueux et passionné, avait fait bien plus que cheminer. C'est au grand galop qu'il s'est jeté vers l'horizon, souhaitant avec ardeur rencontrer "une belle mort".


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Parfois Georgette se dit qu'elle aurait aimé vivre autrement, ne pas se cacher derrière un tablier tous les matins, tirer le rideau de fer et accueillir le jour. Derrière la vitrine les clients défilent, tous la connaissent et la saluent. Ailleurs aussi, quand elle ne travaille pas et se promène, elle est interpellée, on lui sourie, voire on la montre du doigt. Parfois Georgette se dit que toute cette cordialité l'étouffe, elle aimerait pouvoir rembarrer la cliente difficile et oublier de se tenir droite les jours gris et maussades. Parfois, oui, parfois Georgette se dit qu'elle aurait pu être autre chose que la femme du boucher. Boulangère, fleuriste, un métier moins rouge et plus chatoyant.