lundi 21 novembre 2011

724 : dimanche 20 novembre 2011

Les arbres saluaient le passage des humains. En leur tenue d’automne ils étaient aisément reconnaissables les uns des autres. Celui là tel un épouvantail, levant deux bras au ciel que prolongeaient de gigantesques mains, cet autre rond et débonnaire qui semblait attendre l’ouverture d’un bistrot, deux ou trois presque jumeaux mais en des attitudes différentes comme s’ils étaient des clichés d’un même personnage pris à quelques secondes d’intervalle. Dans les virages il était possible, la vitesse se réduisant un peu, de voir des détails plus fins de leur anatomie, une cicatrice, un reste de nid, parfois même une feuille restée accrochée par miracle à l’extrémité d’une branche.

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Tu m'as demandé si j'avais rêvé – je revois une lumière ascendante, entre des parois raides, un élan vers un soleil invisible, une aspiration à laquelle voulais céder, revois aussi ce moment où une petite porte sombre s'est ouverte en bas, ou j'ai deviné qu'une lumière secrète se cachait derrière, senti que cette ombre en était pétrie, où j'ai dévié ma montée rêveuse, plongé et franchi cette arche, vers un éden qui m'était réservé, claire prairie de délices où – par dessus la théière, je t'ai rappelé que je ne rêvais jamais.

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Une dernière vague déferle sur le jeune homme, puis l’océan s’apaise. Il resplendit dans les rayons du soleil. Le jeune homme court y plonger et quand il revient, sa statue s'est évanouie dans le sable. Il balaie la plage du regard. Elle a disparu, mais sa serviette est toujours étendue au pied des dunes. Bousculé par le vent, son maillot roule sur la plage. Il le ramasse et se dirige vers les collines de sable. La musique s'est tue. Pour chasser le silence, il enclenche à nouveau le lecteur de CD.

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Dans son assiette un velouté orange et crémeux, agrémenté de bâtonnets de potimarrons et d'éclats de châtaignes. Servanne plonge sa cuillère, goutte, et se souvient. Elle a six ans, dans la cuisine de sa grand-mère et l'orage gronde. Face à face, elles boivent en silence leur soupe du pauvre. Le bruit violent de la pluie, les éclats de tonnerre, la violence des éléments restent loin d'elles. Dans la cuisine, elles sont ensemble dans leur rituel du soir et rien ne saurit rompre ça. Lorsque Servanne rouvre les yeux, ses traits sont moins tirés. Elle puise dans sa soupe la force des souvenirs et des joies de l'enfance.