samedi 19 novembre 2011

722 : vendredi 18 novembre 2011

Sans doute parce que trop romanesque, mais aussi parce que peu enclin aux épanchements de l’intime et toujours à mille lieues du moindre commencement d’intérêt pour « les choses du quotidien », Léon, qui, d’ailleurs, à chaque fois qu’il entendait cette expression, ne pouvait s’empêcher de se lancer dans une violente diatribe, occasion pour lui de réitérer son dégoût pour ce qu’il appelait une réification rampante doublée d’une dictature de la quotidienneté illustrée tant par la presse écrite régionale que par l’écriture diariste et l’inflation des blogs, garda sa vie durant le silence sur le fait d’adorer la dorade…


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Il met ses mains devant ses yeux, on dirait qu'elles ont maigri. Un goût amer envahit son palais. Un tremblement parcourt son corps. C'est trop tard. Il n'y aura pas de nouvelle année. Elle crie que chacun voit midi à sa porte et que celle de sa lucidité est carrément bouchée, qu'il faut aimer le risque, elle écarte les bras si brusquement qu'il la lâche. Une grande inspiration, il aurait envie de pleurer s'il n'était pas si sec. D'un bond sur le côté elle esquive, sort un pistolet qu'elle arme, court, le vise (l’existence parfois juste un fil, ça n'aurait jamais du lui arriver à lui). La grande coquille jaune au-dessus de la boutique grésille, s'éteint. L’homme fredonne : Alors serre tes yeux, dors mon bonhomme, je vais dire une prière au petit Jésus, pour qu’il vienne ici, pendant ton somme... C'est quoi, la soupe merdique qui sort de ta bouche ? Il se la boucle. Il retient son souffle pour disparaître dans l'encre de la purée de pois qui les entourent. La motarde tend l'oreille, à l'affût du moindre son qui indiquerait son emplacement. Statues de sel avalées par la nuit, sans rien distinguer de l'autre, ils restent. Elle trace une droite pure entre leurs deux silhouettes, la déflagration stridente qui déchiquette le linceul du silence.


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Un jour, elle a croisé dans la rue un trio de moines tibétains. Ils se sont retrouvés face à face : elle leur a souri. Ce qu’elle a lu sur leurs visages et dans leurs yeux l’a interpellée. Innocence ? Détachement ? Sérénité ? Amusement ? Compassion ? Amour ? Tout cela à la fois peut-être… L’un d’eux, le plus âgé, la dévisageait posément. Elle a soutenu son regard tout en se demandant ce qu’il cherchait en elle. Puis il a hoché la tête, baissé les yeux et s’est éloigné. Elle n’a pas osé le suivre pour lui parler. Elle ne sait toujours pas ce qu’il pensait. Les deux autres l’ont suivi sans un mot. Elle s’est demandé sur le coup comment elle pouvait, au milieu des bruits de la ville, entendre aussi bien leurs pas, le petit crissement caractéristique de leurs sandales ainsi que le frottement de leurs bras sur l’étoffe de leur robe. Elle les a suivis longtemps dans leur déplacement lent et gracieux. Elle regrette un peu de ne pas leur avoir parlé. Cela fait longtemps maintenant mais l’impression qu’elle en garde est toujours aussi présente : un moment hors du temps, à la fois léger et dense, et cette extraordinaire sensation de plénitude qu’elle ne parvient pas à expliquer.


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Vendredi, celui-là, Farigoule n'était pas descendu au marché. Là où il se gare d'habitude, il y avait un vide. Certains ont à peine tiqué. D'autres ont plaisanté/ certains ont craint.