samedi 12 novembre 2011

715 : vendredi 11 novembre 2011

Qu’il en faut du temps, pour qu’un Voualatou daigne enfin lever les yeux vers vous ! Menacez-le de la mort la plus abominable, couvrez d’ignominies sa femme et ses enfants, maudissez sa descendance jusqu’au dernier avatar, plongez dans la fange le nom de ses ancêtres ou bien fondez d’amour à ses pieds en le flattant par tout ce dont les mots sont capables, répétez l’opération de votre choix durant plusieurs années et peut-être, j’ai bien dit peut-être, finira-t-il par redresser péniblement son font lourd et plissé dans votre direction. Mais ce ne sera jamais alors que pour émettre un soupir las avant de retomber dans l’écrasement le plus total.


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Il n'avait jamais trop bien supporté l'alcool et cette bouteille de bière de 970 cm3 comme l'indiquait l'étiquette, même partagée, lui avait tourné la tête sous le soleil. Après trois mois de voyage, il se laissait enfin aller dans le petit village argentin de Purmamarca. Il se trouvait aux pieds de la Montagne aux Sept Couleurs après tout : que pouvait-il lui arriver dans ce décor de conte de fées ? Il écoutait hébété le chant étrange d'un oiseau inconnu et invisible, perché pourtant au-dessus de sa tête dans un algorrobo negro, cet arbre dont les fleurs ressemblent à celles du mimosa. Chaque son produit par l'animal était différent. Il ne s'agissait ni de cri ni de mélodie, mais d'un enchaînement original et heureux de pépiements et de stridulations. Armand ne s'y connaissait pas du tout en ornithologie. Il aurait dit instinctivement un rossignol. Etait-ce plausible en Argentine ? S'il avait eu son Netbook et une bonne connexion Wi-Fi, il aurait vérifié sur le champ, là, sur la place principale où il se trouvait attablé. Il n'avait pourtant jamais observé de rossignol. A quoi l'oiseau pouvait-il ressembler ? Armand ignorait si son plumage était uni ou si au contraire, la tête, le corps et la queue du passereau se différenciaient. Quelles couleurs pouvait-il porter ? Cette rêverie l'accompagna jusqu'en toute fin d'après-midi, lorsque l'air se rafraîchit et qu'il commença à frissonner. C'est alors seulement qu'il remarqua l'absence de sa silencieuse compagne avec qui il avait partagé sa boisson. Il se dressa sur ses jambes de coton, essayant d'embrasser d'un même regard toute la place et ne sachant où chercher. Le barman lui tendit alors une enveloppe sur laquelle il lut son prénom. "De parte de la chica" murmura-t-il. Armand ouvrit très lentement l'enveloppe, concentré sur le papier qui se déchirait difficilement. Elle était vide.

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Soudain Léon me regarda d’un air glacé et s’écria avec un tremblement dans la voix : « Du chien naquit la niche ! »


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Jack la regarde, ravi. Sophie entre lentement dans leur bureau et tente de masquer par un sourire le sentiment horrifié qui grandit en elle. Il a tout déplacé, rangé, classé. Ses tiroirs sont réorganisés, ses chaussettes sont par paires, il a même vidé ses nombreux sacs à mains pour les suspendre dans le dressing. Sur la table basse, un petit tas de trésors fripés l'attendent, ce sont les reliquats qu'il n'a osé jeter sans son accord. Jack est si fier. Il s'est donné du mal pour elle. Incapable d'émettre un mot, Sophie s'assoit sur le canapé pour absorber le choc ainsi que les remontées d'acides provenant de son estomac.


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Vas-y. Vas-y maintenant répète Paul. La prochaine chanson, c'est la sienne, pour une fois qu'il a réussi à en pondre une qui sonne, qui balance, qui décolle. Le bassiste est un soutien total : pas une note de ses cordes, pas une fibre de son corps, pas une rythmique balancée qui ne puisse être le soubassement de la transe. Dans leur groupe le chanteur en compose beaucoup, comme le guitariste, et lui, tout le monde sait qu'il n'est pas naturellement doué en musique. Il est excellent pour prendre les poses , mais un nain pour les accords, juste bon à les plaquer dans le tempo en se concentrant. Et un soir, les notes ont chanté dans sa tête, les mots ont déferlé aussi, tout est sorti ensemble, notes et mots. Sur un bout de nappe en papier, avec un stylo à bille, il s'est lancé. Après la prison, ça avait débordé, la chanson était sortie, nette, tranchante, évidente. Il l'a déjà chanté à leurs précédents concerts, il était déjà passé par ce tunnel où sa voix s'ébréchait systématiquement la fin du refrain. Les autres toléraient qu'arrivé à la moitié du concert il la chante. Ils supportaient, ni partisans, ni hostiles. Le chanteur vient à sa place et lui indiquant son micro. Vas-y, à ton tour. Il avance pile au milieu de la scène, gorge rêche, il se cale. Le bassiste est un soutien total: pas une note de ses cordes, pas une fibre de son corps, pas une rythmique qui ne puisse balancer sa transe. C'est ses sons qu'il entonne devant les silhouettes en contre-jour qui disparaissent dans un nuage de fumée. S'acharnant comme il peut sur la basse, le chanteur renforce la mélodie. L'estrade résonne de ce qui est asséné sur la grosse caisse par le batteur plus déchainé que jamais. Le désordre qui règne dans la salle et la sono pourrie lui mettent les nerfs. Il inspire après les deux premières phrases, de toute façon cette chanson est en rodage, ça l'étonnerait qu'il y ait des amateurs de leur style ici, c'est pas un public de chevelus et de barbus qui apprécient leur musique, ils en sont encore aux Stones ces arriérés de français, encore moins un public qui déferle, s'écrase en contre-bas, puis recule dans des mouvements aussi convulsifs qu'imprévisibles. Dans le micro, il crache des mots pour s'en débarrasser, vite fait, puis retrouver sa place de poseur dans le coin droit. Il n'a pas l'assurance du chanteur, capable de tout pour captiver. Ça n'est que sa première chanson, des tarés de flics lui ont sauté dessus. Il testait la carabine du batteur sur des pigeons pouilleux...Il a quand même fait un carton sur un de ces rats volants, avant d'être choppé direction le poste de police. Le pigeon est tombé comme une pierre, il a bondit, sauté haut. Il s'en souvient dans l'instant. Le chanteur aussi est un soutien total : pas une vibration de ses cordes vocales, pas une fibre de son corps, pas un rythme scandé qui ne puisse être racine d'un envol.


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1. Farigoule est • point d'écoute • cahute • station. Cabane de chasseurs. Attente, inquiète, dans la brume, fusil à la main, au passage de la harde ; plus occupé au bruit des gouttes, au moiré des rosées. Fidèle, il accompagne, & ramène peu. Il est GPS. Guetteur, prospecteur, sonneur. Il est relais, ou balise. Il est signal éteint, feu de fumée sans feu. Foulard enroulé autour du buis au genévrier. Il est croix peinte sur caillou. Il est croix peinte. Farigoule Brassard. Point. •. 2. Farigoule est inventaire, liste, listing, tableau de fréquences, test de bande passante. Il est mire & alignements des têtes. Il est protocole & coche, feuille d'émargement & signature. Il est dedans & dehors / Échantillons, spécimens, prototype du troisième, tiers exclu & inclus, truand, entre la belle et la bête, & : tir. 3. Fuseau de moindre impact (FMI), il est • amplitude • longe • zonage • dition • enveloppe sensible / Couche, sous-couche • raster. Tracé au fusain sur la carte / Il est film / soubassement / enterrement de câbles, oléoduc et son périmètre de protection. La théorie des poutres montre qu'en flexion, le tuyau a un rendement inférieur à celui d'un conduit équivalent de section rectangulaire. Il est étirement et élongation, il est moins immobile qu'une colonie de vers de vase. 4. Il est réservoir, conteneur, div • il est autoportée solitude, encapsulée sentence, embeded with Samantha. Dux, autoproclamé, monarque, il est déjà en toi, tout à son frichti, il est en toi, y occupe, y habite, y fait ses petits, et les y élève. Comme bactérie ou douve du foie, il passe inaperçu, jusqu'au point sensible. Ténia, il est mille têtes possibles, dormant, enkysté pour l'hiver. Mais il se laisse oublier, centripète, comme un organe. Il se fond dans le paysage. Il est paysage. Doué de mimétisme, il parle tous les accents / Il désenvoûte les langues. 5. Il est aussi ombilic, escargot, colimaçon • zébrine zébrant ou bulime bullant, zonite zonant, grave • vortex, tourbillon, vertige / le poète Borne a dit de lui : Acceptez les ans, la spirale des saisons, le vertige des plantes qui désespèrent, reprennent espoir et vont au feu / torsade, spirale • hélice qui t'emporte, qui t'emporte, qui t'emporte, qui t'emporte, qui t'emporte. Vis (tour de) qui t'emporte. QUI t'emporte. qui T'emporte. qui t'EMPORTE. Qui t'emporte. Maillot. Loche. Soucoupe. Troque. Renverse, échange, intervertit. Tu es pris. Pris.