vendredi 19 août 2011

642 : jeudi 18 août 2011

Rencontre XLIII (Fin) Claire pose son stylo. Elle doit trouver une fin. Elle regarde autour d’elle, s’étire, empile les feuillets qui jonchent son bureau. Elle ne sait pas ce qu’elle va en faire. Il faudra tout relire, reprendre certains passages, noter les incohérences, peut-être tout jeter. Elle a froid, si elle veut garder cette maison, il faudra faire des travaux. Un mois, depuis un mois, elle est là, seule avec ses personnages. Sans-doute lui ont-ils permis d’accepter la mort de sa grand-mère… Dans quinze jours, elle doit rentrer à Paris, reprendre ses cours, affronter ses élèves. Elle sait que rien ne sera plus pareil maintenant. Elle reviendra le week-end mais personne ne l’accueillera. Elle aime cette maison, le vieux fauteuil, sa petite chambre d’enfant, le grenier qu’elle n’a pas eu le temps d’explorer, c’est vrai, elle y retrouve tant de souvenirs ! Elle ira encore s’adosser au gros chêne pour lui livrer ses chagrins. Le voisin lui a promis qu’il s’occuperait du jardin. C’est un vieil homme, il connaissait bien sa grand-mère. Elle lui donnait des confitures, c’est lui qui lui rapportait les journaux et qui lui postait son courrier. Surtout à la fin, quand elle ne sortait plus… Il sait qu’elle ne vendra pas la maison. Elle le lui a dit, après le passage des agents immobiliers. Ca lui a fait plaisir. Aujourd’hui, elle a trente-cinq ans ! Pour la première fois, il n’y aura pas de gâteau. C’était un rituel avec sa grand-mère ! Elle pourrait inviter son ami François, il doit être au village, il y vient toujours à la fin de l’été. Oui, c’est une bonne idée ! Elle l’aime bien, François ! Sous son air extrêmement sérieux, il cache un humour absolument délicieux. Elle a besoin de rire, en ce moment ! Cela fait trois mois qu’ils ne se sont pas vus. La dernière fois, en la raccompagnant, il lui a dit qu’il l’attendrait trente ans s’il le fallait. Cela l’avait troublée.

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Dès sa naissance, à l'instant où la sage femme lui présenta celui qu'elle avait attendu très précisément neuf mois et un jour, la mère de Paul Arthur Napier su à quel point la précision et la distinction seraient des qualités chevillées au corps de ce morceau de chair rose dont les yeux grands ouverts semblaient déjà chercher quelque vérité cachée. Rien dans la suite du parcours du petit Paul Arthur ne vint contredire cette conviction, et certainement pas la découverte qu'il fit lors de sa première tétée, d'une boucle d'oreille en or, sous le sein de sa mère, bijou qu'il saisit vigoureusement et sembla montrer triomphalement, le portant à bout de bras dans la direction de ceux qui assistaient à son premier repas.


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j'ai rêvé de m'enfoncer dans cette fontaine, de laisser l'eau herbue me frôler, de disparaître sous une feuille, d'émerger dans une tache de lumière, de me glisser sous la masse centrale, dans la petite grotte circulaire creusée sous la pierre, de consulter les cailloux, leur rose, leur vert ou leur beige ocré, de me blottir sous les branches de l'arbre, sous les centimètres d'eau, de me complaire, m'ébattre, dans cet univers croupi – et j'ai entrepris désespérément de me réduire à la taille nécessaire, juste avant la disparition.


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Forcer l'inexistant est impossible.