lundi 8 août 2011

631 : dimanche 7 août 2011

Les Liliprussiens parlent une langue fleurie, proche du gascon et du napolitain. Et ils vous emmerdent.


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J'ai rêvé que j'étais dans un jardin ou un parc, plongée dans une nuit d'un noir profond, tel que j'oublies toujours qu'il puisse être noir ; cet absolu avait volé au quatuor de platanes qui se dressait devant moi leur feuillage, et les arbres élevaient leurs branches livides sculptées par une lumière blanche comme une supplique pour qu'il leur soit rendu, un refus d'entrer dès maintenant dans leur solitude hivernale. J'ai voulu rentrer dans la maison dont je sentais la présence derrière moi, me rassurer de la douceur tendre d'une petite lampe, mais je ne trouvais plus la porte.


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Sur la plage découverte à marée basse, un jeune homme façonne une statue de sable. Au loin, l’océan est immobile. Les ombres s’étirent sur la plage, des ruisseaux de sable glissent sans bruit entre les dunes. De temps en temps, une mouette se pose au bord de l’eau. Le soleil est dissimulé par les collines. L’air tiède rôde sur les cuisses du jeune homme. Il est assis en short de bain, face à la statue dont il termine les détails. Elle représente une femme nue, à califourchon sur un dôme de sable. Yeux fermés, bouche entrouverte, la statue offre ses seins au jeune homme.



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Parfois, Éric imagine que le monde ne s'endort pas en même temps que son sommeil. Le petit homme de cinq ans en est agité et indigné... Il s'arcboute dans son lit dans une vaine bataille contre les songes, obligeant sa maman à le rassurer, le bercer puis se fâcher. Le ton monte, les portes claquent. Éric persiste, et ne sent pas la fin de la guerre qu'il perd malgré tous ses efforts. Ses parents le retrouvent endormi contre la porte de sa chambre, le rêve inquiet et le souffle agité. Ils portent leur petit paquet blond jusque sous la couette soyeuse et embrassent doucement son front, avant de repartir sur la pointe des pieds : il ne faudrait pas qu'il se réveille avant le jour...


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Rencontre XXXIII Claudine avait organisé une belle fête pour le départ d’Antoine. Tout le village avait apporté des présents. Le jeune médecin qui le remplaçait était arrivé la veille. Il était anglais, grand, maigre avec la peau très blanche. Sa voix était très douce, Claudine l’avait comparé à un prêtre parce qu’il joignait les mains quand il parlait. Antoine l’avait installé dans sa propre maison. Il avait une femme et un petit garçon de deux ans, tout blond, qui se promenait partout avec son lapin en peluche bleu. Sa maman, Emma, était grande elle aussi, avec de petites lunettes. Elle était professeur mais ne travaillait plus depuis la naissance du petit Tom. Il fallait accepter les changements, se faire aux nouveaux visages et mettre un voile sur son chagrin. C’est ainsi que Claudine voyait les choses. Elle s’était mariée, Aude n’était pas venue. Mais elle n’avait pas d’amertume. La vie était ainsi, faite de contretemps. L’amitié devait prendre en compte les aléas de la vie. Innocent lui avait promis qu’ils iraient un jour à Paris. Elle attendrait ce moment patiemment. Elle avait deviné que d’autres changements importants surviendraient, déjà, elle s’y était préparée…Elle passa devant l’école et ses yeux se mouillèrent. Bientôt, Lucie ne viendrait plus avec les jumeaux. Comment pourrait-elle combler ce vide ? Le petit Tristan venait toujours lui dire bonjour, le matin. Il mettait sa main dans la sienne jusqu’au bout du chemin… Elle ne ferait plus de jolies coiffures à Ondine. Elle n’entendrait plus sa petite voix malicieuse ! Elle soupira et s’obligea à sourire : elle arrivait au dispensaire. Son travail l’attendait, elle y chasserait ses pensées. Elle vit la jeep de Pierre passer à toute vitesse et s’effacer au loin, sur la piste qui menait à la ville. Innocent n’était pas avec lui. Il s’occupait du puits : l’eau était si trouble depuis quelques jours ! Il fallait trouver une solution, sinon tout le village serait malade ! Claudine entra dans la grande salle. Le jeune médecin lui faisait de grands signes : elle vit aussitôt que Léontine allait mal. Ses mains se tordaient, elle ne respirait presque plus. Pendant plus d’une heure, ils s’activèrent pour la sauver. Elle mourut en serrant la main de celle qu’elle avait élevée, comme pour la remercier d’être là…Lorsqu’elle lui ferma les yeux, Claudine sanglota doucement. « C’est une partie de moi qui s’en va », dit-elle au médecin qui cherchait à comprendre.