dimanche 26 juin 2011

589 : samedi 25 juin 2011

Lui n'avait jamais imaginé qu'elle puisse partir. Elle avait été un point d'ancrage dans sa vie, quelque chose qui ne changeait jamais, avec se douceur rassurante et son don pour évacuer les tracasseries quotidienne de son horizon. À force il ne la voyait plus, elle était devenue un ombre évidente qui lui permettait d'avancer dans sa vie et sa carrière, de prendre cet élan tel un goulu vers le succès, l'argent, les autres femmes. Lorsqu'il est arrivé chez lui il n'a pas réalisé tout de suite ce vide qu'elle y avait laissé. Jusqu'à l'heure du dîner bien sur, pour lequel il du se contenter des deux yaourts perdu au milieu du frigidaire.


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Je me souviens de brumes légères, et d'un ciel gris bleu pâle, un ciel très clair, d'où chutait une pluie très fine mais ce qui m'a frappé ce jour-là ce n'était pas la pluie à ce moment-là, mais c'était le vent. Et à chaque fois que je repense à ce moment-là, c'est comme si le vent autour de toi faisait partie intégrante du moment. Le vent qui emportait ta chevelure, orientait tes mouvements, et la façon dont il recouvrait ta voix ce jour là il était bien orgueilleux comme toi impétueux comme toi. Comme si ce vent violent nous avait forcés à vivre quelque chose de plus profond,quelque chose de plus important.


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Rencontre VI En rangeant les derniers papiers de sa grand-mère, Aude avait fait une découverte : un petit carnet empli de dates, certaines étaient barrées, d’autres soulignées à l’encre rouge. Parmi celles-ci, sa date de naissance. Elle essayait de donner un sens à ce qu’elle avait sous les yeux. Y avait-il un lien avec elle ? Aude était orpheline, sa grand-mère l’avait élevée seule. Ses parents étaient morts dans un accident de la route lorsqu’elle avait trois mois. Elle avait une seule photo d’eux : ils étaient jeunes, ils se souriaient. Longtemps, elle avait cherché une ressemblance. Il n’y en avait pas. Ils étaient restés pour elle de parfaits étrangers. Sa grand-mère n’en parlait jamais. Un soir de son adolescence, Aude avait posé des questions. « On ne fait pas revenir les morts. Tu es comme ta mère, tu vis à cent à l’heure. Elle est morte sans avoir le temps de vivre. C’était ma seule enfant. » Sa voix s’était brisée, Aude n’avait plus rien demandé. Ce carnet l’intriguait. Elle décida de le garder. Plus tard, elle irait à la mairie pour en savoir un peu plus. Au fond d’elle-même, elle s’étonnait de son manque de curiosité. Ses origines ne l’intéressaient pas. Un coup de sonnette interrompit ses pensées. Pierre était devant la porte, seul. Il lui apportait des fraises de son jardin. Aude fit du café. Elle était heureuse de le voir ! Elle savoura quelques fraises en l’écoutant. Il avait changé, il semblait fatigué, un peu désemparé, sa fougue s’était estompée. Malgré la question qui lui brûlait les lèvres, Aude l’écouta patiemment parler de son travail, de la maison qu’il voulait transformer, des vacances qu’il ne prendrait pas. Tout à coup, il s’arrêta. Il la fixa intensément. « Mathieu est parti. Je ne sais pas où il se trouve. C’est sa musique : elle le rend fou ! Il m’appelle de temps en temps. Il m’a laissé ceci pour toi. » Aude posa ses mains sur le petit paquet. Elle était incapable de l’ouvrir. Pierre ne dit rien puis lui proposa d’aller déjeuner à l’auberge du lac, ce qu’elle accepta aussitôt. Ils y passèrent le reste de la journée. Pierre avait retrouvé son grand sourire et lui raconta des dizaines d’anecdotes, toutes plus drôles les unes que les autres. Il lui confia aussi qu’il voulait lui présenter quelqu’un. Il était certain qu’elle lui plairait. Elle était artiste. Ils convinrent de se retrouver le samedi suivant. Aude lui promit qu’elle ferait la cuisine. Pierre la quitta en plaisantant sur ces talents de cuisinière. Elle se mit à courir dès qu’il eut le dos tourné. Elle arriva essoufflée à sa maison, attrapa le paquet de Mathieu et alla s'asseoir sous le gros arbre. Elle découvrit deux nouveaux disques et une longue lettre qui commençait ainsi « N’oubliez jamais d’être vous-même ! Je m’en vais pour un temps, là où je serai, j’achèterai vos livres. Ainsi, je vous connaîtrai mieux… »