vendredi 8 avril 2011

511 : jeudi 7 avril 2011

Pas d’halogène pour Eugène, pas de néon pour Léon…


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C’était faire passer en nous, en notre corps amolli par une nuit trop courte et peut-être agitée de rêves oubliés, le café, le plus de café possible, empiler les gobelets plastiques comme trophées sur le bureau et, le soir, après le départ de tous, avec le graphiste et le chef de projet restés pour les dernières lignes droites (nous savions que plusieurs soirs seraient nécessaires quand bien même nous l’avions caché au chef de projet, au commercial, à quoi bon ?, jouant l’étonné solidaire de tout ce qui restait à faire) fumer dans le bureau, l’heure tardive donnant licence, fenêtre ouverte sur la douce soirée de printemps qui nous parvenait, malgré tout et, pendant quelques secondes, s’imaginer dehors, en terrasse comme en plein été quand la ville était vide.


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Son doigt trace un chemin sur la flaque de ketchup sur la table. Noé a des cheveux roux et des tâches de rousseurs un jaunâtres, son visage est un peu rouge de l'effort de la chaleur... La mine renfrognée, il boude le riz devant-lui et lorgne les frites de son voisin. C'est un petit nerveux trop mince qui avale n'importe quoi et ne prends jamais un gramme. "C'est juste pas juste", pense Noé. Depuis son arrivée en CM2, l'infirmière scolaire, affolée par ses 55 kg pour ses 1, 30 mètres, l'a pris en grippe et lui impose des menus. Noé sait juste qu'il a faim, un peu à toutes le heures et pour des choses qui lui donnent l'impression d'être rempli, d'être complet, repus, en vide de manque. Ces histoires de régulation et d'équilibre, il n'y comprend rien, sauf que le vide est là et qu'il grandit en lui. Tout à coup son assiette bascule, le riz tombe par terre... "Tiens, prend les miennes" lui dit le petit nerveux. Ce dernier se lève et va se resservir sous l'œil indulgent du personnel. Noé plonge sa main dodue vers la graille et engouffre goulûment un bataillon de frites au garde à vous.


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Ne jamais se rendre, ne jamais abdiquer. Face à l’inconséquence et le comportement puéril de tous ceux qu’elle côtoie, le ridicule des situations dans lesquelles elle se trouve, bien malgré elle, son désir de se garder devient urgent. Personne ne pourra lui voler ses pensées, nul n’est en droit de lui dicter sa vie. Elle a construit sa liberté et ne peut concevoir qu’on veuille la lui reprendre. C’est une lutte sans fin, de chaque instant, épuisante. Les relations humaines sont complexes, les amitiés rares, l’hypocrisie fait loi. Tout son être s’insurge, gronde, se débat. Qu’importe ! C’est à ce prix qu’elle avance et qu’elle retrouve son chemin. Avec détermination, le cœur sur la main, les yeux grand ouverts, et sa petite porte secrète dont elle seule a la clef.