mercredi 30 mars 2011

502 : mardi 29 mars 2011

Décidé d’arrêter les corn flakes.

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C’était, sans préméditation, nettoyer son bureau. Jeter tous les vieux post-it, tous les vieux schémas griffonnés sur A4, les trois vieux cahiers (ne garder que celui courant), les stylos trop vus (aller aux fournitures les remplacer et finalement prendre un cahier neuf, ranger le courant dans le tiroir), pousser le clavier, la souris, les bacs à dossiers et nettoyer le plan de travail avec un chiffon imprégné, puis deux, puis trois, un quatrième pour les deux écrans. Dépoussiérer le clavier avec la bombe de gaz dépoussiérant. Souffler, se sentir bien, ouvrir la fenêtre, laisser entre l’air, la lumière, et le ronron de la ville. Regarder l’openspace et voir deux collègues, que nous venions d’inspirer, se lancer eux aussi dans ce nettoyage printanier et sourire au temps, pour eux, pour nous, comme gagné sur la peine, par ces quelques gestes bienfaisants.


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Quand elle n'en pouvait plus d'essayer de faire de la cuisine sur sa petite plaque électrique illégale, dans leur chambre, Jeanne s'arrêtait, sur la place devant le fleuve, à quelques rues de là, devant la vitrine d'un installateur de cuisine, sobrement et richement sophistiqué, à l'unisson du quartier ; elle s'émerveillait devant les grands plans de travail, la façon dont ils semblaient être également trucs à cuire, s'interrogeait sur l'utilité de certains appareils, se réfugiait dans des petits paniers et poteries si délicieusement rustique. Jean la surprit un jour. Il la regarda, un rien navré. Il posa sa main sur son épaule. Elle se retourna et avec un petit sourire : « il faudrait d'abord que j'apprenne à cuisiner » — « ma foi oui, mais tu n'en aurais pas besoin, il y aurait une précieuse personne pour cela — moi ce que je préfère c'est le reste du reflet, les arbres et l'eau." - « nous aurions une maison dans les bois, toute ouverte, et ferions la cuisine avec les oiseaux ». Il lui prit la main. Ils partirent. « Ce serait formidable s'il pleuvait ou neigeait ta cuisine aux oiseaux. »


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La boîte fait 40cm sur 50cm et une hauteur de 30 environ. Elle est grise, il y a deux poignées sur les côtés et un couvercle. C'est important le couvercle, Anna va pouvoir arpenter les couloirs pour la dernière fois, jusqu'à la sortie, sans que ses ex-collaborateurs puissent assouvir leur curiosité passive. Anna s'en va. Elle leur manquera une demi-journée, puis une autre intérimaire prendra sa place. L'entreprise continuera à ronronner, les process Kafkaïen se succèderont les uns aux autres, les hommes passent, rien ne change. Anna remplit sa boîte calmement, elle a déjà des choses à faire, son esprit la devance dans les endroits à visiter. Elle part sans dire au revoir, pas besoin, elle laisse derrière une armée prête à faire entendre sa voix, des grains de sable dans la machine trop bien huilée : et si les huileurs retiennent leur geste, alors quoi? Place à la révolte des intérimaires.