vendredi 25 mars 2011

497 : jeudi 24 mars 2011

Jamais Léon ne se demanda si le terme de webmaster impliquait ou non une référence à la dialectique hégélienne.


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C’était se tromper d’étage et sortir de l’ascenseur en un lieu presque identique à celui, connu, du quotidien, et ressentir un léger trouble et, au bout de quelques pas, comprendre notre erreur. Mais avancer encore un peu jusqu’à cette porte ouverte pour tenter de deviner où nous étions. Et là, voir une salle aux murs nus éclairée du blanc tremblotant des néons, des fenêtres sans lumière, une grande table de réunion dix places avec cinq moniteur-clavier-souris-tour, et trois jeunes en costume-chemise-cravate, au regard tiré vers le halo de l’écran, un quatrième feuilletant un magazine (01 ou Programmez) et le silence, le calme, l’atmosphère de cuve de cette pièce. Aucun regard échangé, peut-être des têtes se tourneraient-elles tout à l’heure quand l’ascenseur nous emporterait à notre étage. C’était donc repartir, laisser en paix et oublier les intercontrats.


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Impitoyable envers les veuves et les orphelines, la fabrique de paragraphes les chasse et tourne la page.


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Nous étions un peu fatigués, pas à bout de forces, non, mais agréablement las, et puis nous avions légèrement faim, ou il était l'heure d'avoir faim. C'était là, jute à ce moment, la façade banalement aimable, la porte comme un trou, avec un rideau de perles, et la table, devant, avec sa nappe à carreau, entre deux chaises de jardin d'un vert clair, repeint. Tu as pris une chaise en me regardant, j'ai hoché la tête en m'asseyant. Tu en as fait autant. Tu as dit « bonjour », très fort, vers la porte. Nous avons attendu. Sur la table, sur cette nappe qui disait repas, il y avait ce pot de cyclamen blanc, si grand qu'il cachait ton buste, qu'il prenait toute la place. L'air vibrait, la calade devant, que nous venions de quitter, jouait de la couleur de chacun de ses cailloux dans le soleil, mais nous étions bien, dans l'ombre de la maison. Nous attendions toujours. Tout de même ce silence, et ce pot de fleur encombrant.... J'ai demandé « tu crois ? » Tu t'es levé. Le rideau de perles a cliqueté en retombant derrière toi. J'ai entendu ton pas, une petite toux, plus rien, puis de nouveau, au bout d'un moment, ton pas. La cascade du rideau de nouveau, et ton air un peu perplexe, souriant, très légèrement inquiet peut-être. Tu as dit qu'il n'y avait personne, trois tables, un grand comptoir de bas avec un évier derrière, et des bouteilles, mais dessous, et puis une porte fermée, peut-être vers une cuisine – en avançant, en face, une porte fenêtre sur un jardin, un fil et du linge, de la terre, un peu d'herbe courageuse et pelée, un citronnier, le mur d'une autre maison, mais personne. Et, en te renversant en arrière, des fenêtres mortes à l'étage. Tu as dit « je ne comprends pas – viens on s'en va ». Un peu plus loin nous avons trouvé des pains bagnats. J'ai mordu dans le mien. Je m'en suis « mis partout » comme toujours. La bouche pleine de délices. Et à la seconde bouchée, j'en ai eu assez, comme toujours encore. J'ai cherché une corbeille, ai renoncé, l'ai posé sur un muret de pierres avec un petit goût de culpabilité, et j'ai attendu que tu finisses le tien.


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Il est face à elle, seuls 50 centimètres les séparent, un petit demi-mètre aussi grand qu'un désert au sein duquel se cache un oasis de promesses. Il ne sait comment franchir cette distance, comment répondre à l'appel de ses yeux, à l'invitation muette de ses lèvres... Il faudrait pouvoir écarter les particules les plus élémentaires, oser briser le mur invisible qui sépare leurs corps. Elle reste silencieuse, une rougeur envahi peu à peu ses traits alors qu'il combat son indécision, un tremblement s'empare d'elle... Il ose... Ému par le frémissement qu'il perçoit en elle, il s'élance avec fougue et douceur... alors qu'elle se plie soudainement en deux dans le plus disgracieux des éternuements.