mardi 22 février 2011

466 : lundi 21 février 2011

Sans la magie du web, Léon serait sans doute mort en ignorant que chaque fois qu’il fêtait son anniversaire, il aurait pu par la même occasion célébrer la première ascension du Mont-Blanc qui, elle aussi, avait eu lieu un 8 août.

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Teresa se tient comme tous les jours derrière la caisse de la boulangerie. Elle travaille beaucoup, l'argent rentre, 808 euros déjà aujourd’hui. C'est une vraie Portugaise, elle aime le rappeler. Elle bosse, elle. C'est pas comme les Noirs : des fainéants ! Faut voir les pauses à rallonge que se prend le balayeur, un Ivoirien. Elle le soupçonne même de se taper la petite réceptionniste de l'hôtel. Parce que, voyez-vous, passer le balai, c'est trop fatiguant. On préfère baiser les blanches. Au moins, il fait semblant de bosser, elle l'admet, c'est pas comme le clodo du quartier, un Argentin. Tout juste bon à emmerder les braves gens (comprendre : ses clients) en mendiant, et devant sa vitrine en plus ! Ou le patron du café : un Musulman qui vend de l'alcool, du beau boulot, oui ! Faudrait faire le ménage dans ce quartier. Parce que ça devient n'importe quoi. Que Dieu lui en soit témoin. Regardez cette jeune femme qui lui achète une baguette et deux croissants (2,95 euros, s’il vous plaît), elle vit avec une femme, je ne vous fais pas de dessin. Eh bien, sa copine est enceinte ! Quelle décadence ! Heureusement qu'il y a Monsieur Quentin : bel homme, toujours impeccablement habillé, toujours poli, toujours un mot gentil, sûr qu'elle ne dirait pas non, d'autant qu'elle le sait libre. Justement, il entre. Mon Dieu, on remet vite la mèche qui tombe et on affiche un sourire pas uniquement commercial.


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Il me semble que nous sommes pareils, que nous sommes les mêmes, comme un autre soi ailleurs, avec un autre vie, comme si la même personne avait pu vivre plusieurs vies, sans qu’elle connaisse l’existence des autres depuis la sienne. Peut-être sommes nous plus de deux, plus de dix, à faire vivre des vies différentes à la même personne, à mal réussir à la lui faire vivre, peut-être bien. Pourtant nous avons peine à savoir quoi nous dire, il est doux de se voir, de voir la compréhension de soi sans se voir soi-même, mais peut-être n’avons nous même pas à nous parler, même pas à nous voir, que l’existence s’en trouve déjà allégée de savoir que nous sommes plusieurs, que les rues de cette ville semblent plus douces maintenant que nous avons cessé d’ignorer que nous n’y sommes pas seuls.


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Quand je passe dans la petite rue, je salue toujours, ou presque - il m'arrive de plus en plus souvent, trop, de l'oublier - la façade au crépi jaune usé, la porte moderne sans agressivité nichée à l'abri d'un petit renfoncement harmonieusement bordé de trois moulures assez amples, assouplies en arc surbaissé, de la maison que j'ai habité quelque temps, après mon arrivée, salut à elles adressées et plus encore à mille petits souvenirs futiles, à ma détresse d'alors, à sa façon de m'envelopper.


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L’averse était passée et les rues luisaient faiblement dans la nuit froide. La cité entière était figée et le vent même était tombé, laissant quelques nuages suspendus dans le ciel. Trois silhouettes se faufilaient prestement d’ombre en ombre jusqu'à une ouverture dans le sol derrière une bâtisse délabrée.