lundi 21 février 2011

465 : dimanche 20 février 2010

Que n’a-t-on pas dit de Léon ?

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Les bruits intolérables se vendent bien. On les intègre aux téléphones portables, pour qu’ils se déclenchent en cas de dépassement de forfait. On les insère dans les lignes blanches, afin de décourager les voitures stationnées dessus. Les bruits les plus intolérables ont été compilés. Moteur toussant sans démarrer, gravier dans une porte coulissante, tôle froissée par un carambolage… Dupliqués pour durer indéfiniment, ces bruits sont cisaillés par superposition, le résultat s’appelle Craie vive. C’est étonnant, ce titre culturel, pour une compilation diffusée dans les prisons et les écoles de l’armée. C’est très intolérable.


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La journée est passée dans l'ennui des minutes qui s'égrènent péniblement les unes après les autres. Agathe les a subies une par une, a senti chaque seconde d'absence et d'éloignement. Elle a rempli ses engagements, rendu ses rapports. Ses rendez-vous se sont enchaînés, ses objectifs sont atteints. Ce soir elle rentrera dans son appartement froid, elle allumera ses radiateurs et réchauffera une soupe qu'elle mangera assise en tailleur sur son canapé. Un peu plus tard, un verre de tariquet blanc à la main, elle écoutera un air gai et jazzy en regardant par la fenêtre. Front contre la vitre, regard en l'air, elle sourira à la lune en songeant à celui qui, au loin dans le sud de la France, boit le même vin, écoute la même radio souriant également à la lune. Demain les minutes s'égrèneront, la journée s'étirera à nouveau en longueur jusqu'au soir, jusqu'à leur nouveau rendez-vous. C'est ainsi cinq jours sur sept, cinq jours à attendre de pouvoir tendre le visage vers le ciel main dans la main sur un même balcon.


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Nous avions fini par abandonner, la laissant là, sur une chaise pas bien loin de mon bureau, un peu hébétée, aussi peu loquace que lorsqu’on l’avait trouvée. Muette, elle l’était restée continûment : on n’avait pas même entendu le son de sa voix. Immobile aussi : pas un signe de tête, pas un geste un peu significatif de la main, pas même un haussement de sourcil, pas de sourire évidemment, enfin rien qui pût donner un début de réponse à l’une de nos questions, et il y en avait pléthore. Il fallait, et c’était rageant, se résoudre à creuser ailleurs, espérer des témoins, prier pour des indices, du presque rien déniché tirer d’hypothétiques pistes. Nous faisions le point sur nos bribes d’information, prenant acte de l’anéantissement de notre source principale, notant toute idée ayant la plus infime chance de faire avancer l’enquête, quand Vincent nous arrêta, hochant la tête en direction de la fille. Elle avait saisi un crayon, et traçait quelque chose sur une feuille blanche, d’une main habile et déterminée. Nous nous approchâmes et comprîmes tour à tour, après un temps d’incrédulité plus ou moins long, que ce qu’elle dessinait là était bien ce à quoi cela ressemblait, et le Fichier Automatisé nous le confirma bientôt : une empreinte digitale.