lundi 7 février 2011

451 : dimanche 6 février 2010

Du cynique ou du sinoque, Léon n’aurait su dire auquel allait sa préférence.

------------------


Mixé avec le chant des cachalots, ce son sera ultime. Pinte aigre, pinte aigre, léviathan, femelle, pinte aigre… Mots scandés par les alcôves, rajoutés à la pression du son, nuit incolore, gorgée de bulles aigres, et le rythme reprend. Pinte acoustique, gosier plein, léviathan, c’est la compil’, femelle, pinte aigre… Compilation Aquacoustique.


------------------


Le Secret d’Ernestine IV Le printemps s’annonce, l’air embaume, le soleil pâle caresse les façades et les fenêtres s’ouvrent. Devant la maison d’Ernestine, une voiture s’arrête. Un grand jeune homme en sort. Il a de petites lunettes et un long manteau sombre, comme les gens de la ville. Avant même qu’il frappe à la porte, Ernestine apparaît sur le seuil, lui fait un grand sourire et s’efface pour le laisser entrer. C’est Mariette, la maman des jumeaux, qui rapporte cela au village. Elle dit aussi qu’à midi, la voiture n’y était plus. Depuis, Ernestine a retrouvé son sourire et son pas alerte. A Léon qui la questionne gentiment au sujet de cette visite, elle répond mystérieusement que c’est quelqu’un qu’elle attendait depuis longtemps et que tout ira bien maintenant. Le samedi suivant, tout le village est en émoi : Ernestine a disparu ! Pourtant, ses volets sont ouverts. Mais elle n’est pas venue chercher son pain. Même le docteur François est inquiet, il avait bien remarqué ses changements d’humeur ces derniers temps ! Devant la mairie, les discussions vont bon train. Peut-être est-elle à la ville, elle sera partie tôt, avec le car des scolaires ? Le problème, c’est qu’aucun habitant ne l’a vue monter dans le car…Fauvette, la femme de Pierre, monte frapper à sa porte. Pas de réponse. A midi, n’y tenant plus, tout le monde décide qu’il faut appeler les gendarmes pour signaler sa disparition. Ils arrivent en début d’après-midi et se dirigent vers la maison d’Ernestine, accompagnés de Pierre. Ils tambourinent à sa porte, l’appellent, essaient de voir à l’intérieur. Enfin, ils décident de forcer la serrure. A l’intérieur, tout est silencieux. Seul, le balancier de la grosse horloge rythme le temps qui s’écoule. Tout est en ordre. Un beau bouquet de fleurs des champs trône sur la table, dans un grand vase bleu. Sur le vieux fauteuil est posé un livre, un petit carnet rouge et un crayon à papier. Machinalement, Pierre ouvre le carnet. « On dirait qu’elle a recopié un livre, regardez, presque toutes les pages sont remplies ! » Il monte à l’étage, suivi des deux gendarmes. La pièce est assez grande, entièrement tapissée de livres. Devant la fenêtre, un bureau couvert de feuillets. Ernestine est là, emmitouflée de sa robe de chambre bleue, la tête reposant sur un monticule de feuilles. Sa main gauche tient encore son stylo, sa main droite semble caresser une petite figurine en bois représentant un enfant. Le calme qui règne impressionne les trois hommes. Pierre s’approche doucement et murmure son nom. Elle ne réagit pas alors il s’affole, la redresse, la secoue, prend son pouls. Elle a les yeux fermés, son cœur ne bat plus, ses petites mains ne frémissent pas, sur ses lèvres un sourire plein de douceur s’est installé. Pierre pleure et la repose avec précaution dans le fauteuil. Les gendarmes se retirent discrètement. Au bout d’un long moment, Pierre se penche sur les feuillets, couverts d’une petite écriture toute fine. Il lit, tourne les pages, remarque les corrections ajoutées à l’encre bleue, lit encore, soupire et mesure tout à coup l’importance de sa découverte. Et il comprend tout à coup ce qui lui avait échappé. A gauche du petit bureau, contre le pied de la lampe, il trouve une petite carte avec un nom, un numéro de téléphone, une adresse et un mot qu’il relit cent fois, à travers ses larmes : « Editeur ». Tout le village a accompagné Ernestine au cimetière. C’est Pierre qui a fermé sa maison. Dans le tiroir de son bureau, il y avait une lettre pour lui. Tous ses livres sont maintenant à la bibliothèque, ses affaires ont été distribuées dans le village, comme elle le souhaitait. C’est lui aussi qui a téléphoné à l’éditeur. Le jeune homme était là à l’enterrement, avec un gros bouquet de violettes. « Mes paysages », le livre d’Ernestine, va paraître bientôt, a-t-il dit. C’est Pierre qui en a écrit la préface, avec l’aide des villageois, chacun ayant ajouté une anecdote. Il a tenu à mettre en couverture une photo d’elle, assise sous le tilleul, son livre sur les genoux, le jour de la fête du village. On la voit souriante, faisant un léger signe de ses mains toutes fines qui ne vieillissaient pas.


------------------


L'odeur du dissolvant me ramène immanquablement à elle... Petite, j'aimais me nicher contre le canapé, à ses pieds, si près d'elle mais sans la gêner. Tous les dimanches soirs, elle défaisait, limait puis refaisait ses ongles. La couleur variait peu, rouge carmin, bordeaux, ce que l'on pouvait oser à l'époque. J'aimais tout, l'odeur acide du dissolvant, le bruit de la lime chauffant l'ongle, puis l'ultime attaque olfactive du verni. Ensuite, elle agitait ses mains joyeusement dans tous les sens en attendant que cela sèche.