samedi 22 janvier 2011

435 : vendredi 21 janvier 2010

Bien que n’ouvrant jamais un seul livre, Léon était persuadé que se permettre d’écrire dans la marge constituait un véritable sacrilège.

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C’était ne pas pouvoir se lever, le dos soudain sans muscles, sans os, sans rien qu’un signal de douleur forçant à rouler sur le bord du lit et tomber à genoux face au radio-réveil réclamant encore de nouvelles réformes pour une modernisation mieux négociée et plus large, et pousser sur ses bras, avancer péniblement jusqu’à la salle de bain dans laquelle une douche brûlante restait le seul espoir de rejoindre à temps le poste de travail.

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Brise la roue, si tu veux engendrer sans posséder qui tu engendres, la puissance qui arpente, qui jamais ne mésuse de ses griffes...

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Comme un pantin de bois géant en plein désert du Nevada, exposé aux caprices du vent et du sable, adulé par quelques originaux, dressant ses bras vers le ciel dans un grand brasier. Après une succession de jours irréels, croisant des saltimbanques et des vaissaux mutants, morsure du feu dans l’estomac. Reprendre la route vers le sud avec son fardeau et une nouvelle idée du soleil. Temps béni qui s’étire sous nos pas lourds et sans but connu.

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L'air était rempli de vibration lorsqu'elle jouait, son archet sur la corde, le geste gracile, le cou penché. Gaspard la regardait autant qu'il l'écoutait, avant même sa naissance il avait été bercé de sons graves et surtout aigüs. Gaston avait l'oreille absolue au plus grand ravissement de sa maman. Chaque fausse note lui donnait la nausée, et il pouvait composer un air à l'aide de simples verres remplis d'eau et d'une fourchette. Sa mère avait donc décidé qu'il ferait un parfait violoniste, d'autant que l'attention qu'il portait à ses répétitions lui laissait penser un penchant naturel envers cet instrument. Seulement voilà, Gaspard n'y assistait que pour être avec sa maman, la regarder l'écouter, être dans son regard et son parfum. En réalité, Gaspard voulait faire de la batterie...

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Elle pourrait dessiner son visage les yeux fermés tant elle l’a aimé. Chaque petite ride, la ligne de ses sourcils, le petit creux caractéristique au milieu du menton, les lèvres fines qu’elle avait si souvent embrassées, les boucles brunes au sommet de son front, la légère cicatrice en forme de lune sous l’œil gauche, souvenir d’une soirée mémorable… Elle en rit encore ! Il s’était cogné à l’angle de la cheminée. Ils étaient heureux ce soir-là : elle lui avait annoncé qu’elle attendait un enfant. Il avait dansé dans l’appartement, avec toute la grâce dont il était capable, il répétait inlassablement « je t’aime », il clamait que ce serait une fille, il l’étreignait de toutes ses forces, lui murmurait qu’elle était belle, qu’elle le rendait fou. Il avait plongé ses grands yeux dans les siens et lui avait fait l’amour longtemps. Au petit matin, il s’était levé sans bruit et lui avait rapporté un petit bouquet de violettes, de la même couleur que ses yeux. C’était un matin de mai. Chaque année, elle se remémore cette soirée. Elle n’a jamais perdu la douceur avec laquelle il l’a caressée. Elle la porte en elle. Pour pouvoir vivre encore un peu, un tout petit peu.