vendredi 14 janvier 2011

427 : jeudi 13 janvier 2010

Jamais la police ne songea à interroger Léon après la mort de monsieur William.

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C’était ressentir, dès début de la journée, une profonde inspiration pour ce code neuf et bâtir comme un géant bâtirait une cité, par blocs de montagne entiers, avec l’aisance du déménageur qui soulève votre lave-linge et, avant de partir, soupirer d’assurance ou d’habitude mais simplement, se sentir posé, léger de ces inventions — ainsi qu’on les nomme en soi-même, et sans penser, sans vouloir penser, à la suite, accélération inévitable, budget et date, demandes express du client, aberrations marketing, chiffres, rentabilité, chiffres.


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Irène clique et pianote. Elle voyage à travers le monde à l'aide des sites des agences de tourisme, des blogs de routards et d'expatriés, des photos des membres de son réseau social. Son travail à l'accueil de l'hôtel Azur lui en laisse le temps, beaucoup d'habitués. Elle voudrait créer un blog collaboratif pour lequel les participants lui enverraient quand ils le souhaitent un paragraphe sur une anecdote liée au voyage, aux autres cultures. Elle publierait chaque jour sans ordre les paragraphes reçus la veille. Cela donnerait un drôle de carnet de voyages. Elle en connaît déjà le titre : le Convoi des errances. Un client la tire de ses pensées. Il vient régulièrement, toujours avec une fille différente. Elle a googolisé son nom comme elle le fait pour tous les clients, autre façon de voyager, et elle a compris qu'il était prof dans une école de commerce et qu'il jouait au poker. Il paie, il sort. Irène avertira la femme de ménage ; sa pute doit quitter les lieux pour onze heures. Un client qu'elle n'a jamais vu est parti vers sept heures. Les 26808 réponses de Google lui apprennent qu'il est écrivain, de Dijon, la fiche qu'il a complétée confirme cette dernière information. Bref, Irène s'emmerde grave. Elle attend la pause-déjeuner de Djibril, qu'il vienne la saluer. Elle aime quand il lui parle de son Afrique. Et qui sait, peut-être se laisseront-ils, comme le mois dernier, porter vers cet autre continent, cet El Dorado perdu dans les draps défaits d'une chambre inoccupée.


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Avec toute la bienveillance, avec toute l’estime, l’admiration aussi - et même l’amour disons-le puisque finalement c’en est - qui sont là, les mots peinent toutefois à venir, et dans ce mutisme, avec ce qui ne se formule pas par refus de la facilité des choses trop évidentes et qui seraient comme l’aveu qu’on n’a qu’à se raconter la pluie et le beau temps, les prochaines vacances, les films dernièrement vus au cinéma, dans ce silence qui s’épaissit, les paroles que j’empêche le plus sont celles d’excuses insensées et totalement hors de propos. La détestation de soi est une très irrecevable forme d’amour.