jeudi 9 décembre 2010

391 : mercredi 8 décembre 2010

Ayant décidé de se poser très peu de questions, et surtout d’éviter toutes celles auxquelles il lui semblait ne pas pouvoir répondre – ce qui, après tout, n’est pas si facile – Léon fut désormais beaucoup moins assailli par le doute que par l’ennui.

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C’était avoir réglé le radio-réveil mais s’être trompé d’une heure et se lever donc trop tard, en panique à l’idée d’être en retard.


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Témoin La première fois que tu compris à qui tu avais à faire, tu eus un choc mais fis semblant de rien. Tu avais un doute. Tu espérais te tromper. Tu as tremblé pendant des heures… Les mois, les années qui suivirent t’apprirent à reconnaître ce petit monde de gens respectables. Des caricatures ? Des monstres ! Combien sont-ils à donner le change ? Socialement bien intégrés. Avec des responsabilités. De belles familles, de belles maisons, de grosses voitures. Combien sont-ils ? Tu aurais pu en faire arrêter. On t’aurait crue, peut-être, ou on t’aurait enfermée. Tu n’étais encore qu’une enfant. Mais à quoi bon ? Ta vie était brisée. Tu n’avais aucune confiance en la justice. Certains d’entre eux en faisaient partie. Tu n’as rien dit, tu n’as rien fait, tu t’es juste éloignée. Maintenant, tu les flaires partout, tu sais exactement à quelle distance ils se trouvent, tant la nausée qui te prend t’empêche de tenir debout. Tu ne t’en veux plus de n’avoir rien dit. Le monde va ainsi, charriant pourritures et excréments, construisant sur des terrains minés, plein de reconnaissance pour des hommes traîtres, pervers, ignobles, dissimulés sous leurs belles apparences sociales. Ce n’est pas nouveau. Ces gens-là sont des malades qu’on découvre souvent trop tard, des virus insidieux et indomptables. Toi, tu les traques inlassablement jusqu’à ce que leur masque tombe et que tes tremblements s’arrêtent.


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Jean voyait la peau de son crâne se faire place insensiblement et irrésistiblement. Et il restait se regardant, le matin, dans la franche lumière de sa salle de bains. Il guettait la disparition de ses cheveux, presque comme s'il avait pu les distinguer individuellement, et faute d'y arriver il optait pour une prière globale, une supplication, une déclaration d'amour, que bien entendu il taisait, par sens du ridicule, mais qui n'en était pas moins fervente. Par sens du ridicule, ou plutôt par pudeur, par ce sentiment qui l'empêchait d'accepter les mots : je deviens chauve. Si le mot tentait de venir, il frissonnait, le repoussait, le niait, il lui trouvait un goût de mort. Mais il ne pouvait se résoudre à adopter les produits, les soins, les recettes de ceux qu'il considérait comme des charlatans, et il refusait même d'un haussement d'épaule impatient les ouvertures de son coiffeur. Il se voulait honnête, courageux, ou il voulait se croire tel. Aussi quand Marie, qu'il n'avait jamais vraiment remarquée, lui a déclaré, sourire et yeux papillotants, qu'elle aimait beaucoup sa nouvelle coiffure, il a réalisé brusquement qu'elle alliait à son charme qui soudain lui semblait évident, une grande sagesse.