mardi 7 décembre 2010

389 : lundi 6 décembre 2010

Son instituteur se souvenait très bien de Léon : jamais, au cours de sa longue carrière, il n’avait rencontré d’enfant aussi précoce en matière de renoncement.

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C’était désobéir au garde-à-vous du radio-réveil, l’éteindre volontairement du poing, se rendormir en toute ignorance de l’heure réelle à laquelle, finalement éveillé, la mutinerie prendrait fin, temps alors de se dépêcher, poussé par cette urgence, comme vitale, comme la faim, d’être à l’heure malgré tout.


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Camille est assise devant son café-croissant-Libé au bar où elle a ses habitudes. La radio diffuse un vieux tube du Clash ; dois-je rester ou dois-je partir ? assène Joe Strummer. Combien de fois aura-t-elle entendu cette chanson au cours de sa vie ? Le lecteur qui se croit malin hésite entre 807 et 808. Il n'en est pourtant rien : Camille estime le nombre à 1978. En face d'elle se tient un écrivain dijonnais. Elle le reconnaît malgré son déguisement grotesque (barbe factice, perruque blonde et lunettes cul-de-bouteille), ce qui fait preuve d’une remarquable acuité dans l’observation. Elle fréquente régulièrement son blog où il s'épanche quotidiennement sur la condition d'écrivain – notamment la sienne, sur les enfants – notamment les siens, sur les femmes – rarement la sienne, et autres sujets. L'écrivain observe le bar et les clients en prenant des notes. Elle se demande s'il parlera d'elle. Elle regarde la rue à travers la baie, un camion de la Poste passe, puis un scooter, un jeune homme roux sort de l'immeuble en face un téléphone à la main. Elle pressent quelque chose. Impossible d'identifier quoi encore. La rue sera le théâtre d'un événement singulier, elle le sait. Elle paie sa consommation et décide d'aller voir.

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Peu de travail aujourd’hui, probablement par besoin maturation des avancées récentes. Alternance de lecture un peu distraite d’œuvres issues des anciennes régions et de rêveries à la fenêtre du bureau. De superbes vers à l’étroit dans le manque d’espace. La destinée humaine et la beauté de nos œuvres ont besoin des paysages et des contrées infinies d’ici. Sur le chemin, des chariots passent à intervalles réguliers, chargés de bois coupé dans les forêts environnantes, que l’on entrepose et travaille dans la scierie voisine. Le vent frais est tombé en fin d’après-midi, il avait tout le jour fait défiler des nuages effilés en travers du ciel, le soleil était pâle et avait rendu les couleurs atténuées et douces. Ce soir, le froid se fait mordant depuis la tombée de la nuit, premier feu de cheminée depuis la fin de l’été.


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"Mademoiselle, mademoiselle... Oui ! Désolé, je ne voulais pas vous effrayer. Je vous ai remarquée bizarrement, je suis un peu ému, oui, j'ai couru. Attention, ce n'est pas dans mes intentions de vous brusquer ou de vous importuner ou quoi que ce soit... C'est que ça m'a marqué voyez vous. Si! Vous étiez dans le bus, juste en face de moi, je ne voulais pas vraiment regarder, c'est vrai, mais je l'ai vu. Oui, pourquoi, ça me regarde... Je l'ai vu. Sous le pli de votre tailleur, là, sur vos jambes. Ce trou. Là, discret, ce creux dans la maille, juste au dessus de votre genou. Vous... Vous riez ! Vous rougissez ?! Allons, venez avec moi, oui, venez, il y a un troquet pas loin, allons prendre un café, ou autre chose, si vous voulez..."