dimanche 21 novembre 2010

373 : samedi 20 novembre 2010

Le convoi de Léon Une peur panique aussi brutale qu’inexpliquée saisissait Léon chaque fois qu’il apercevait le manche d’un pic à glace.


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Un monde un peu usé, fatigué, où l'on se complaisait par habitude, mais non sans un petit sentiment d'inconfort, peut-être même de vague culpabilité. Et vous proposez une issue, d'apparence douce, sans trop d'effort, vraiment ? Nous ne pouvons refuser, et commençons à gravir le chemin indiqué. Maladroitement au début. Et puis, vous avez raison, de plus en plus facilement, vous faites bien de nous encourager, de nous entourer de votre sollicitude si discrète, c'est vrai si discrète, persistante, insistante, cependant, très patiente et omniprésente. Mais voilà, nous nous arrêtons, un moment, geste suspendu, nous levons la tête, nous nous interrogeons. Que trouverons nous dans ce que vous appelez en haut ? Et moi qui suivait, la dernière, je regarde en arrière et je commence à dire ce que nous quittons. Nous nous regardons, un peu perdus, et de moins en moins. Nous laissons venir, peu à peu, un sourire, et, doucement, avec précaution, nous entamons la descente.


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Eh ! Je te parle ! Tourne la tête ! Regarde-moi ! S’il te plaît, écoute-moi ! Oh oui… je sais, tu es occupé, tu n’as pas le temps ! C’est toujours comme ça, je suis transparente… Mais là, pas question ! Fais un effort, sors de ton univers, au moins une fois ! Réagis, que diable ! Secoue-toi ! Ouvre les yeux ! Je t’en prie, merde ! Oh, par pitié, essaie d’être là, un tout petit peu! Mais quel genre d’individu es-tu ? Comment fais-tu pour m’ignorer à ce point ? Es-tu devenu sourd ? As-tu des problèmes ? Es-tu inquiet ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Fichtre ! Tu m’en bouches un coin ! Tu réalises que tu es un mur ? Non, tiens, tu es pire qu’un mur, les murs, eux, ont des oreilles ! Oh là là ! Je sens que tu vas encore t’échapper. Il n’en est pas question ! Tu vas m’écouter, me regarder, me répondre ! OUI ! Tu crois que je ne vois pas ton manège, monsieur l’imperturbable ! Tu veux que je te dise : tu es imperméable à tout ! Tu m’exaspères avec tes airs de moine ! Ca suffit ! Tu es infernal ! Il n’y a pas moyen ! C’est incroyable ! Mais bon sang ! Dis quelque chose ! De toute façon, je ne m’en irai pas, pas cette fois ! Marre ! Ras-le-bol de cette attitude stupide ! Et épargne-moi cet air de saint, ça ne te va pas ! Quoi ? Tu as dit quelque chose ? Non ? Quelle idiote, j’ai rêvé ! C’est le comble, voilà que j’entends des voix ! Tu me rends folle ! Par pitié, juste un regard, tant pis pour les mots. Ouf ! Je suis en nage ! Es-tu au moins capable de te rendre compte de mon état ? Tu es en train de faire de moi un monstre. Je n’en peux plus, je vais m’arracher les cheveux, je vais…non ! Ca, je ne peux pas ! Et tu t’en doutes, hein ? Je vais me taire moi aussi ! Je peux le faire ! J’arrête ! Là ! Maintenant !… … Alors ? Tu as vu ? Moi aussi, je suis peux me transformer en carpe ! C’est facile, il suffit de le vouloir. Bien. D’accord, c’est plus pratique d’être muet. On ne s’engage pas. On n’a pas d’avis. Punaise, ça ne te dérange pas ? Tu es à l’aise dans ton silence ? Avec ton masque ? Eh ! Je te parle !!!


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Il fut le premier à qui Clive le montra dès que ce fut opérationnel. Ils avaient couru leurs cinq miles dominicaux dans le petit bois qui apparaissait dès après les dernières maisons de sa rue. Clive prenait sa douche, mais à peine Jonathan eut-il entendu l'eau s'arrêter de couler qu'il vit apparaître son ami à la porte de la salle de bain, nu comme un ver, dégouttant, et lui faisant signe de venir. Jonathan entra et remarqua aussitôt un imposant dispositif qui avait semble-t-il pris récemment la place d'un inusité bidet. L'engin était constitué de deux parois espacées d'une vingtaine de pouces, et dépassant la taille d'un homme, entre lesquelles il vit Clive se glisser. Un fort bruit de soufflerie se fit entendre, et au bout d'une quinzaine de secondes, il en ressortit, les cheveux un peu ébouriffés, les bras lancés en l'air, comme en signe de victoire, mais aussi pour bien montrer qu'il était parfaitement sec. "Cette fois, il tient quelque chose", estima Jonathan, heureux pour Clive, et impatient d'essayer sa nouvelle invention.