mardi 2 novembre 2010

355 : lundi 1er novembre 2010

Lettre d’amour à une inconnue (18/18) Je me suis demandée si l’on n’avait pas inventé et fait tomber sur ma route cette adorable Adorina pour me faire sortir de ma torpeur. Elle avait éclipsé tous les vulgaires passants du théâtre numérique où je m’étais réfugiée. Cette image trompeuse de ma personne m’avait prouvé que j’étais encore capable d’investir le champ du réel. Alors que mon costume de chambrée se résumait à un vulgaire pyjama, j’étais là, plantée au milieu de la foule en train de dégrafer mon corset. Je dansais sous les yeux pétillants des hommes empourprés de champagne. Je m’amusais de mon appétence et jouais de mes charmes. J’étais ronde et pulpeuse. La sensualité de mes courbes fascinait immédiatement la foule. Je m’agitais gracieusement au rythme d’une mélodie de Sarah Vaughan. J’étais déjà loin des tourments de l’existence. Le lendemain j’émergerais entre les draps de soie d’un lit à baldaquins, dans un ravissant hôtel situé à deux pas de la place Saint-Georges. Je rejoindrais ensuite quelques amies, aussi charnelles et envoûtantes les unes que les autres, et dégusterais une tarte au citron meringuée que seul Le Loir dans la Théière savait parfaitement réussir. Mes lèvres glisseraient doucement sur la surface onctueuse. Je rirais de bon cœur et rentrerais à la maison. Je m’allongerais sur un canapé de velours bordeaux. Sous le charme du double, je m’écrirais alors une lettre. Je prendrais le temps de trouver les mots, de séduire cette part de moi que j’avais oubliée d’incarner. Je signerais ainsi mon adieu à la vie et à l’amour.


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J’ai vu par hasard un signe de ta présence, sans en avoir reçu depuis des mois, et sans que celui-ci me soit adressé, par lequel j’imaginai des scènes ordinaires de ta vie actuelle, avec la paix de croire qu’elle te soit douce ; un fil se présentait, sur lequel j’ai lentement, avec tendresse et bienveillance, avec cruauté pour moi-même, tiré jusqu’à en faire une petite bobine, jolie et douloureuse de souvenirs, de beautés et de regrets ; par ta remontée dans mes rêves où je te voyais glaciale et fuyante, et tout à fait belle telle qu’en toi-même, tu es revenue emplir de ta nécessaire et juste absence la place unique que tu occupes en moi.