dimanche 24 octobre 2010

346 : samedi 23 octobre 2010

Lettre d’amour à une inconnue (9/18) Je suis exactement l’inverse de cette anatomie de femme fatale que j’imagine se déployer sous mes yeux, suivant le rythme d’une mélodie de Sarah Vaughan. Je suis pour ma part plus affairée à poncer l’ensemble des courbes qui apparaissent sur mon corps et à calfeutrer les replis qui parviennent à s’y glisser au fil du temps malgré mon attention. Restriction alimentaire comme activité complémentaire et continue. Ne pas manger tient l’esprit éveillé et affamé, tant et si bien que l’on a l’impression d’être en permanence à la table de Gargantua sans pouvoir prendre part au festin. Supplice de Tantale qui doit vous sembler déraisonnable, vous qui dévorez avec une lascivité exquise les géantes tartes au citron meringuées du salon de thé parisien Le Loir dans la Théière. Je ne sais d’ailleurs si c’est aux pâtisseries ou à vos lèvres les effleurant que j’ai commencées à rêver en premier.


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Hier après-midi, j’ai commencé à ressentir des élancements de douleur dans un des orteils de mon pied gauche, le deuxième en partant de l’extérieur. J’ai dû me le cogner contre un pied de lit ou de table, alors que je marchais chez moi sans chaussures, ce dont, pourtant, on se rend souvent compte instantanément, et avec une vivacité qui fait s’évanouir la distraction. Je n’ai pas un tel souvenir, pourtant en retirant soulier et chaussette gauches, l’orteil douloureux s’est présenté à mes yeux tout à fait violacé. La douleur serait apparue à retardement, et progressivement à la suite d’un choc que je n’aurais pas constaté au moment où il aurait eu lieu. Ceci semblait tout à fait improbable. En inspectant à nouveau mon pied gauche, plus tard dans la soirée, c’est l’effroi qui a supplanté la douleur, la zone violacée s’était étendue à l’ensemble des orteils et gagnait sur le pied, la douleur ne s’était quant à elle pas étendue mais un léger engourdissement s’était diffusé partout où l’hématome était visible, et c’était comme si tous mes orteils n’était plus qu’un seul, j’avais perdu la sensation de leur séparation les uns des autres. Après avoir palpé et massé, un soudain assoupissement m’est monté, et je n’ai gagné mon lit qu’avec de grands efforts pour maintenir ma veille jusqu’à lui. Je dormis d’une seule traite.


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Sur notre chemin, partout, c'étaient des présentoirs avec journaux bien rangés, bien tassés, d'autant plus nombreux qu'il se disait que nous n'en lisions plus, ou pas assez, ou de moins en moins, que nous préférions les innombrables publications légères ou spécialisés qui constituaient des mosaïques denses fournies et sans ordre ni sens sur les murs des boutiques. Et nous achetions, pas toujours, mais assez régulièrement, un ou plusieurs de ces journaux, généralement les mêmes, et les lisions avec, de plus en plus, le sentiment de tout ce qui y manquait, le constat navré d'une uniformité plus ou moins bien dissimulée.