vendredi 3 septembre 2010

295 : jeudi 2 septembre 2010

C’était, vers onze heures, se demander où était tel collègue et se voir répondre par son chef d’équipe qu’il était malade ou en RTT, ou pas là ce matin pour une raison personnelle ou familiale ou autre et en soi penser qu’un jour on pourrait bien trouver quelque chose, n’importe quel prétexte, fuite de robinetterie, cambriolage, perte de carte bleue, pour suspendre ne serait-ce qu’une demi-journée, ce quotidien-là.


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Il faut qu’on ait assez oublié, et que suffisamment de choses d’alors n’existent plus pour nous, pour qu’on puisse en parler. Pour qu’on puisse en dire des bêtises et des banalités sans que ça nous dérange, pour qu’on puisse proférer des contresens à son sujet sans s’en rende compte, certain autant qu’on avait pu s’en convaincre de sa légitimité, et protégé à ses propres yeux de toute illusion rétrospective. Là, on passera du silence empêché par la proximité, la complexité et la résistance du réel aux clichés ineptes drapés d’évidences admises. Alors, on pourra parler, et dire que c’était un idéaliste extrêmement bien intentionné mais dont les idées étaient dépourvues de la moindre efficience et de toute possibilité de réellement se muer en conséquences factuelles consistantes. Et dire que c’est pour ça qu’on l’avait aimé, parce qu’on s’était convaincu un instant qu’il était davantage, tout en sachant bien sûr au fond de soi de quoi il en retournait véritablement avec lui, et dire surtout que c’est pour ça qu’il avait échoué et que ses résultats étaient condamnés à la quasi-nullité, comme c’était d’ailleurs bien prévisible puisque la même situation s’était présentée trente plus tôt et que de causes en conséquences les faits s’étaient enchaînés de la même manière, ce que d’ailleurs on avait senti très tôt à l’époque, et maintenant aux deux époques, passée la bienveillance de politesse. Sauf qu’on n’avait rien prévu, parce que rien n’était prévisible ni comparable, et que si nous disposions d’une mémoire honnête et étions libérés des mécanismes mentaux voulant nous convaincre de notre propre intelligence, nous saurions encore, nous saurions tout de même mais ne saurions que ça, qu’aucune conclusion ne sera possible, et qu’aucun passé ne saurait cesser d’être présent sans que nous soyons déchus.


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Gloire aux gloussants glossolales qui par leurs réglos glouglous glorifient le glossaire global ! Cet agglomérat de globe-trotters du glossème compte plus d’un globuleux glossographe, mais c'est qu’ils sont tous beaux gloutons ! Et pour tout kouglof, ils engloutissent maintes églogues, qui leur sont de globeuses glossettes anti-glossite dans leur igloo. Car ils glougloutent leurs glops de polyglottes, au risque des glossoplégies, voire des glossectomies, et nous glosent ainsi de grandes glottochronologies, tels de paléo-glossologues glosant sur les glossopètres d’aiglons globulolysés (ou furent-ce des glossettes ?) qui ne glottorent plus depuis longtemps ; ou bien sur les glossoptéris, ces proto-glouterons agglomérés chez les troglodytes glozéliens ; ou encore sur les glottes des glossines et les glosses des gloméris de la saint-glinglin. Sur leurs globoïdes glockenspiels, en tout cas, ils nous désanglotent dans nos gloriettes ! Glorifions donc par des glorias anglo-normands, mais sans gloss ni gloriole googlomorphe, leur glossématique englobante qui est une vraie glottopolitique, autrement plus glorifiable que celle de tous les Pangloss anglophobiles de Globalisation ! Car les glossolalies sans fin de ces fins glossomanes sont mon hémoglobine.


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Je relis pour la troisième, quatrième, ou ne sais, peut-être cinquième fois, la lettre. Je m'arrache. Je lève les yeux. Au dessus de moi, un lac ou un étang, et des plantes qui se penchent sur lui. Une lumière douce. Un bleu clair, mais très bleu, si bleu que le soleil doit certainement filtrer à travers des arbres pour toucher cette eau calme qui me surplombe. Au centre d'une clairière. Agréable. Un asile secret. Je regarde, je regarde et je laisse tomber la feuille. Je sursaute. Je la ramasse. Je me redresse. Devant moi un lampadaire, une corbeille de fleurs faussement sauvages juste sous la lampe, et le ciel au dessus, qui pâlit avec le soir. Oui, le réel. Dommage. Décidément j'étais assez bouleversée.


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Deux avions de ligne tracèrent les premières lignes droites, blanches dans le ciel bleu, de la figure géométrique, objet de l’exercice du jour. Celles-ci se croisaient nettement à angle droit. Un troisième avion vint très vite compléter l’esquisse, par une droite coupant les deux précédentes, dessinant au final la figure classique d’un triangle rectangle, dont il était demandé de déterminer la surface. Un exercice d’une grande facilité. Les élèves, du fond de leur transat de cours, l’œil fixé sur le ciel, n’eurent guère de mal à évaluer les distances et la valeur des angles. Mais l’affaire se corsa quand le Paris-Athènes déboula de l’horizon pour diviser la figure en deux, formant d’un côté un triangle plus petit, équilatéral, rien de compliqué, mais de l’autre un trapèze de forme biscornue, dont le calcul de l’aire se révéla un vrai casse-tête, vue de la terre. Au final, la moyenne des notes des étudiants participant à cet exercice de géométrie atteint 13,5/20, un bon niveau. Supérieur à celui de l’exercice de la semaine précédente, consistant à calculer le diamètre du cercle tracé par le satellite Envisat autour de la terre, dont il avait fallu guetter le passage trois nuits de suite avant qu’un ciel dégagé et sans lune en permit une bonne observation.