jeudi 2 septembre 2010

294 : mercredi 1er septembre 2010

C’était ne pas petit-déjeuner avant de partir car levé trop tard, se doucher rapidement et attraper le bus ou le métro en courant, acheter un pain au chocolat sur le chemin avant d’arriver au bureau suant d’angoisse regard bas d’être en retard, que ça se voit, d’être le seul, de devoir partir plus tard le soir ou de manger vite le midi.

-------------------


Le même endroit à une autre heure. Le flux des piétons suit des directions inverses, c’est la première fois que l’on voit certaines des façades d’immeubles ainsi éclairées, directement touchées par la lumière du soleil. Le même endroit qui n’est constitué, équipé, élaboré que pour l’activité et le pullulement, mais vide, l’envers de l’endroit sur la même face. Les lieux connus à la lumière et seulement dans la lumière la nuit, noyés d’obscurité. Désaffectés mais fermés, absents même si là, lisses décourageant les emplois sauvages, impropres aux usages imprévus, dépourvus d’interstices et de replis, faisant le vide et imposant le désert à horaires programmés. Leur inhospitalité est leur meilleure protection, elle ne prévient pas contre la violence rageuse, gratuite et compréhensible, mais celle-ci n’est jamais que rare et occasionnelle. Et ils ont les moyens de l’indifférence.


-------------------


Concentré de Giselle à usage matinal. Dense résumé de l’intrigue dansée : Hilarion, garde-chasse, aime Giselle, fille d’auberge. Albrecht, Duc de Silésie, aime Giselle, fille d’auberge. Giselle, fille d’auberge, aime danser, la coquine. Giselle rencontre un jour, à l’auberge, Albrecht, mais sous les traits de Loÿs, paysan pimpant lui jurant qu’il l’aime, oh oui ! qu’il l’aime, comme, enfin, plus que, disons, euh, oui, enfin…tant. Elle l’aime donc en retour, la coquine. Albrecht était pourtant promis, le fourbe, à Bathilde, princesse, qui aime, elle, Albrecht, qui, lui, ne l’aime pas, elle. Hilarion, glossolal incompris, pète un plomb. Episode du jour : Albrecht, bel habit, épée battant la cuisse [du fer de Tolède, oui monsieur], valet de pied trottinant à son côté avec tout l’attirail... Ya pas à dire, ce type-là porte haut, c'est un aristocrate du Royaume d’Enfance. De la grande noblesse. Du sang bleu et plus que bleu, genre bleu nuit par ciel d’orage. Du grand seigneur, quoi. Etonnant, nonobstant, et même un peu choquant, que cheval lui fasse défaut. C'est pour le moins bizarre. N’eussions-nous pas été en droit d’attendre de ce très noble individu un bel et haut étalon blanc, ou blanc cassé au moins, harnais doré, dents biseautées, pour porter et transporter ce clinquant spécimen d’ancien régime ? C'eût été, ce me semble, un minimum pour ce popotin ducal : un animal d’exception, avec selle cuir de Cordoue intégrée, crins d’arrière-train lissés au fer à friser et menu crottin tout parfumé ? En vérité, je vous le dis, tout ça ne sent pas bon…Mais partons de l’existant et recentrons-nous donc plutôt sur Albrecht lui-même, cet aristo ahippique, ce Duc sans peur de Silésie, ce Don Juan fardé des plaines de l’est, dont la noblesse s’en va à pied, trottant tout simplement sur ses mollets musclés. Il approche donc de l’auberge et, après s’être délesté de sa tolédane et de tout signe artificiel de noblesse [mais que faire, en revanche, contre le port altier et la vaillance naturelle, je vous le demande ?], Albrecht, enloÿsé, s’élance pour de bon. Il s’approche de la porte, bouche en sourire, va frapper [la paume droite tournée vers lui et levée à mi-hauteur, il ferme en effet le poing, ne laissant dépasser qu’un index impératif aux deux phalanges repliées tandis qu’il approche rapidement son avant-bras du bois de chêne de la porte d’entrée : tout indique, semble-t-il, qu’il va y avoir toc-toc]. Mais la porte, avant contact, s’ouvre en grand d’elle même, s’effaçant en grinçant devant Giselle l’étonnée. Ah ! Giselle. Giselle ! Fille de l’auberge, Giselle comme le jour, Gisèle éclat du seuil au regard endimanché. Ô berge du soleil, enivrante Gisèle…et puis si court vêtue que je te raconte pas [chemise de nuit blanche presqu’en apesanteur, passée comme par hasard, tout juste reposée sur deux seins pleins providentiels, console de douce fortune ; les nu-pieds rouges et fins aux orteils parallèles, infinitémenusimaux ; le cheveu jaune de soie embroussaillée…et hautes et nues ses jambes, ma très longue Gisèle, hautes et nues tes cuisses de belle nymphe émue… mais que c'est beau, tout ça, mais que c'est beau bordel ! C'est même à tomber]. Albrecht tombe.