jeudi 15 juillet 2010

245 : mercredi 14 juillet 2010

Dans l'ombre du platane, j'écoutais, debout contre le tronc, un échange de propos sur le théâtre qui aurait dû me passionner, que ma lassitude gommait. Pour que mon attention soit tendue vers eux, comme on égrène un chapelet, je fixais à mes pieds les puissantes racines qui perçaient le sol, sinuaient, s'étendaient comme un nœud de serpents fatigués, leurs blessures apparentes comme des traces de mue. Mais elles étaient plus fortes que ce qui se disait, et je ne voyais plus qu'elles, le son s'éloignait, étranger. J'ai étendu mon bras au dessus d'elles, le côté tendre, intérieur, face à moi et au ciel. J'ai serré le poing et mes tendons leur faisaient échos, leur rendaient hommage. Je me suis amusée un moment de leur parenté. Mais elles, plus bosselées encore que mon bras, plus anciennes cent et cent et cent fois, portaient plus de vie, plus d'avenir que les quelques veines qui dessinaient un petit réseau bleu sous ma peau.

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Si j’avais pu courir, je serais plus loin, et il faudrait me retourner pour espérer me voir, planté sur le trottoir à déplorer d’être toujours là, toujours dans la déploration. C’est pour ne plus vivre dans la peur que j’aurais dû courir, et c’est par peur que je ne l’ai pas fait, cette fois non plus. Si j’allais maintenant là où je serais si j’avais couru, je ne serais pas plus avancé, car j’y serais. Et si je devrais courir, si j’aurais dû courir c’eût été pour ne plus être où je suis, pour ne plus être avec moi-même, et bien plutôt être plusieurs rues plus loin, définitivement hors de moi qui serais resté planté au même endroit avec sa trouille, pris par surprise et qui n’aurait pas pu suivre, peut-être pour le retrouver plus tard, sait-on jamais, mais à condition qu’il ait changé entre temps. Et alors, avec mes trois rues d’avance, j’aurais pu continuer jusqu’à chez toi sans que je me rattrape, et arriver chez toi jusqu’à toi où je n’aurais plus été moi, une personne neuve ailleurs avec toi, pendant que moi serait retourné penaud chez lui, à continuer ses petites affaires sans que je n’ai plus à m’en mêler, à continuer ses petites affaires un peu estomaqué de s’être vu partir si soudainement hors de lui-même pour de bon. Estomaqué certainement mais alors ce ne serait plus mon problème.