vendredi 14 mai 2010

183 : jeudi 13 mai 2010

Lorsqu’on enterra en mai la vieille Hortense, 103 ans, il y eut foule dans la petite église des Hauts de la Pallud. Les plus vieilles, sentant le grand vent de l’au delà leur friser les moustaches, se cherchaient des échappatoires et se renseignaient anxieusement auprès de la parentèle : « de quoi est-elle morte, cette pauvre Hortense » ne cessaient-elles d’interroger toutes chevrotantes. Le curé, inspiré, se lança dans une longue tirade sur les bienfaits de la maternité, de la femme en tant que mère, attentive au destin de sa progéniture : Hortense n’avait jamais eu d’enfants. Enfin, quand la mise en terre eut lieu, il pleuvait des cordes, comme c’était le cas sans discontinuer depuis quinze jours : ce coin de Provence sèche et noueuse s’était transformé en Normandie verdoyante d’herbe tendre, la cime des arbres perdue dans la brume mouillée. Hortense mourut comme elle vécut : en un porte à faux total.

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La nuit est plus qu'ailleurs. Elle est pleine à ceux qui s'y abandonnent, à celles qui s'y ouvrent. Elle nous touche intégralement sans image, la seule image qui vaille. Le regard total opaque et les formes dissoutes, la distance qui effleure et les lointains embrassent. Avale la vue, tout se touche impalpable, trop grand trop infime entre à travers nous.