vendredi 7 mai 2010

176 : jeudi 6 mai 2010

Cordebugle. C’est un village à la campagne. Un petit village perdu dans la verdure intense du bocage. Il est centré autour de sa place, légèrement herbue et délimitée sur son premier côté par l’église, massive, rustique, de style roman, avec un clocher en ardoises, devant laquelle se déploie un if magnifique. L’église fait face à la mairie, une maisonnette en briques qui ressemble à un pavillon de chasse, bordée de platebandes d’iris violettes, avec deux hautes fenêtres blanches. Le drapeau accroché à l’entrée semble presque disproportionné par rapport à la taille du bâtiment. Sur le troisième côté de la place, l’école, deux classes peut-être qui surplombent la cour, close par un mur et une barrière de grillage tressé. Enfin, sur le quatrième côté, le café qui fait tout : bistrot, dépôt de tabac et de pain, épicerie de secours, salle des fêtes….Voilà. Il ne manque plus que les habitants, Bouvard et Pécuchet et leurs pareils : des habitants du pays, âgés, bougons, accrochés à leur vieille demeure, des maisons en colombage et torchis, disposées en quelques rues tortueuses, traversées par un ruisseau d’eau claire qui glougloutte avec entrain….Mais non, rien de tout cela n’existe, elle secoue la tête, se redresse sur le siège passager de la voiture, se recentre sur la route qui défile devant elle… Cordebugle n’est finalement qu’un nom aperçu sur un poteau indicateur au dernier croisement. Rien de plus. Elle n’est jamais allée à Cordebugle. Et n’ira sans doute jamais.

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On emmène chacun des nouveaux venus dans une salle spéciale, prévue à cet effet : là, les personnes qui viennent pour la première fois attendent. Elles se sont présentées aux agents qui dans la salle publique contrôlent l'identité de chacun. On laisse entrer les personnes qui ont déjà été autorisées à pénétrer plus avant les lieux, si elles n'ont pas été entre temps déchues de leur autorisation. On éconduit les déchus et on mène à leur salle d'attente tous ceux qui viennent pour la première fois. Chaque agent assermenté à l'autorisation est tenu de passer une fois par jour dans la salle, de brièvement y passer en revue les demandeurs et d'autoriser à rentrer les personnes qu'il estime fiables et non nuisibles. Un dortoir est accessible aux demandeurs tant qu'ils n'ont pas reçu leur autorisation d'entrée. Quitter la salle publique, la salle d'attente ou le dortoir des demandeurs avant d'avoir été autorisé à entrer délivre le même statut que celui des personnes déchues de leur autorisation d'entrée : définitivement indésirable. L'autorisation d'entrée est valable tant qu'un agent assermenté à la déchéance ne l'a pas abrogée. Le nombre de personnes autorisées à entrer est de cinq-cents. Lorsque le nombre est atteint, plus aucune nouvelle autorisation d'entrée n'est délivrable tant que personne n'a été déchu de celle qu'il avait acquise. Dans cet intervalle, les agents assermentés à l'autorisation sont sommés de jouer à la belote (c'est pour ça que leur nombre est toujours un multiple de quatre). Les agents assermentés à la déchéance ne sont quant à eux jamais soustraits à leur liberté de déchoir.