jeudi 29 avril 2010

168 : mercredi 28 avril 2010

Suis las mais plus là. Étrange sensation d'être à l'extérieur de moi, juste au-dessus. Me lorgne, me file, me trouve excentré, hors du jeu, en réparation, juste dans la surface. Fermeture des pores, expulsion, répulsion, harmonisation, voilà que les mots se bousculent, c'est le foutoir. Et ne suis toujours pas là. Inspirer, expirer, respirer, voilà l'ordre de verbalisation. Pas de procès, juste prononcer, évoquer, dire, être au plus près de. Et me regarde de mon haut. Ah ! Suis là ou presque ! C’est confus. Perception approximative d'un état, déni, rationalisation, bulle et re-bulle. Mon moi sans émoi se sent sans moi. Zoom arrière, gravitent quelques particules d'envie, les vois mais pas encore moi. Division du moi, schizoïde déstructuré, me sens éparpillé façon puzzle. Reste à rassembler, compter les pièces et retrouver mon Je.

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Dans la ville inconnue, il s'est ébroué pour chasser le mauvais sommeil d'un coin de compartiment, il a pris sa valise et il est parti, tout droit devant lui, puisque c'était selon le plan le chemin de l'hôtel. Dans la ville inconnue, il allait lentement, guère pressé de lire les instructions qui devaient l'attendre là bas, et il regardait. Les deux hôtels, un rien piteux, de la place, et leurs terrasses vitrées, montants à la peinture verte pour l'un, rouge sombre pour l'autre, écaillées à l'unisson, les façades mornes et leurs crépis beige plus ou moins souillé, quelques boutiques sans charme, des groupes de minots qui s'interpelaient d'un trottoir à l'autre, avec bonhomie, défis sans importance et pétarades de mobylettes immobiles, juste pour ponctuer, les cageots d'un marchand de légume et une belle fille qui souriait en passant les mains sur son tablier et ses hanches. Et puis, plus loin, quelques massifs de fleurs sages, une librairie, des boutiques de mode aux enseignes familières, avant la grande place aux tables serrées, bien rangées, ponctuées de parasols encore fermés, bataillon en attente des clients du mitan du jour.

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Le député européen a appelé au rassemblement protestataire devant le bâtiment. Dans le bâtiment, on a pris des mesures de sécurité, on s'attend à un blocus, on craint les débordements. Réunions différées ou déplacées, personnel invité à quitter les bureaux avant le rassemblement. Des CRS mobilisés au carrefour, éléments des Renseignements Généraux arpentent le quartier. Du personnel interne affecté au comité d'accueil : une personne dehors comme vigie, une personne près du sas d'entrée filtre allées et venues, une autre à côté du précédent, trois autres personnes dans le hall pour superviser, plus une quatrième qui accueillera le député européen, lui proposera de constituer une délégation pour rencontrer la directrice adjointe. Une personne supplémentaire dans le hall, là sans qu'on sache pourquoi, parce qu'il va y avoir de l'animation, plus une autre là parce que toujours à cet endroit de toute façon. L'animation : personnes qui attendent, dans le hall et dehors au carrefour. Le député européen a appelé au rassemblement protestataire à deux horaires différents : seize heures et dix-huit heures trente, devant le bâtiment. Personne à seize heures, on devra attendre jusqu'à dix-huit heures trente. Dix-huit heures trente, un des superviseurs voit le rassemblement commencer sur la placette proche, gens détendus avec banderoles. Dix-huit heures cinquante, des journalistes filment l'arrivée du député européen rejoignant la placette du rassemblement, passer devant le bâtiment sans un regard pour les CRS qui en encadrent l'entrée. Depuis le hall, on voit l'élu passer sans s'arrêter, on comprend que le rassemblement s'apprête à se présenter. On attend encore et rien ne se passe. La vigie dehors remarque qu'un discours est prononcé sur la place, devant le bâtiment voisin. Dix-neuf heures trente, ni député européen ni rassemblement protestataire ne se sont présentés devant l'entrée, les journalistes à caméra repartent. Les manifestants se dispersent.