vendredi 23 avril 2010

162 : jeudi 22 avril 2010

Je cherchais des monuments ou ce qui pourrait en tenir lieu, ce qui pourrait faire histoire et aurait place dans les lieux de la ville. Des constructions dont un manuel auraient pu faire état, qui auraient pu justifier qu'une monographie d'analyse architecturale puisse être consacrée au bâti d'ici et qui aurait désigné avec quelque officialité et depuis l'autorité d'un passé grandiose des constructions, leur aurait distribué des noms et des passés avec une gravité étrangère aux usages vernaculaires, et aurait procédé d'une meilleure légitimité que celle de l'imaginaire d'un enfant n'y croyant pas lui-même. Si l'imagination rêveuse est toujours un secours, toujours aussi espère-t-elle que ce qu'elle projette soit réel. Je cherchais du drame dans le morceau de territoire où les circonstances explicables et simples mais jamais compréhensibles m'avaient fait passer mes jeunes années. Il n'y avait là que maisons, quelques unes un peu plus grandes et plus anciennes auxquelles je voulais attribuer la dignité de manoir, et hormis l'église anodine rien qui puisse rejoindre la moindre nomenclature d'un répertoire des architectures remarquables, même de catégories inférieures.

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C’est aujourd’hui. Debout. Un entretien d’embauche décroché après deux ans de chômage, c’est tout de même un enjeu. Allez, costard, cravate, mallette, c’est parti. Direction le métro, descente des escaliers quatre à quatre, sprint et saut dans le train sur le point de quitter la station : bien joué ! Mieux vaut dix minutes d’avance que cinq de retard…. Oh non, non, non : erreur de direction ! Voilà ce que c’est de se précipiter. Vite, hors de la voiture, volée de marches, au trot pour gagner le quai dans l’autre direction ; mais bon sang, il est où, ce quai, c’est pourtant simple, il suffit de passer au dessus des voies ; mais non, il faut que ce couloir parte à l’oblique, débouche sur deux escalators, sans aucun panneau de direction bien sûr. Enfin, enfin, voilà… C’est reparti, rien de grave finalement, cinq minutes de perdu. Alors, à présent, sortie du métro, prendre le bus. Le 291. Où est-il ? Mais c’est insensé, des bus, il y en a partout sur cette place, une plaque tournante de bus, ici le 21, le 23, le 37 ; et là, le 156, le 103, mais pas de 291. Ça fait deux fois que je tourne autour de la place, une vraie girouette ; si, si si, là, le 291, mais c’est qu’il part, il part sans moi, attendez, attendez… Et tout ce monde là dedans, ça crie, ça pleure, ça éternue, ça tousse. Cinquième arrêt, halte. Quoi, il ne s’arrête pas, il ne s’arrête pas. Aïe, aïe, aïe, il aurait fallu appuyer sur le signal pour avertir le conducteur. Alors là, ça commence à être tragique : il reste cinq minutes avant l’heure, cinq petites minutes. Descente à la prochaine station et au pas de course, non, au galop, retour à la précédente. C’est le moment de vérifier l’adresse ; SYNCOPE : j’ai oublié la copie de l’email où sont notés l’adresse et le nom de la personne à rencontrer, comment faire, mais comment faire ? Personne chez moi qui puisse me renseigner ! Je ne me souviens de rien : c’est une grande tour qu’on voit de loin, mais d’ici, je ne vois rien, je ne me repère pas, c’est un environnement inconnu, tout comme le nom de mon interlocuteur : Godard, Domart, Tétard ? C’est fichu, fichu… Oups, je me réveille, 7h00 du matin ; c’était un cauchemar, je respire, tout de même, quelle angoisse. Enfin, ce n’est pas tout : il faut quand même que j’y aille à cet entretien. En avant.