dimanche 4 avril 2010

143 : samedi 3 avril 2010

Au dessus du mur, l'éventail noir des arbres hivernaux, la cime en attente des platanes d'une route qui nous longeait. Route désertée, et le silence nourri uniquement de l'infime mouvement des rameaux nus dans le vent, quand il prenait force et balayait la région, n'était que très rarement cassé par l'arrivée, le passage, l'éloignement d'un moteur, si rarement que c'était presque événement. D'ailleurs la plupart, à heures à peu près fixes étaient bien la marque des minuscules « évènements » qui ponctuaient la vie du hameau, le toussotement croissant et décroissant de la mobylette du facteur, le car de l'école de Villedieu, le matin et le soir, et deux heures après le premier, une heure après le second, celui qui nous reliait au bourg, avec aussi le circuit du camion de la coopérative. Le reste du temps le jardin m'était une île, et je m'y installait pour travailler, dans la première douceur des jours, à une table sous la gloriette blottie dans un angle, à l'abri du vent, mais à vrai dire, comme il faisait trop froid pour écrire, je restais assise, mains gantées dans les poches de mon manteau, et je rêvais un peu, croyais penser, espérais que les idées me viennent, mâchant des mots pour tenter de les mettre en forme et les retenir, les mettre en réserve, et puis je me réfugiais dans la véranda chauffée, où je me tenais les jours de pluie ou de froid trop intense, et les gouttes de pluie ou la buée maquillaient l'extérieur. La vie du village, les voitures, les tracteurs, se déroulaient de l'autre côté de la maison, devant le porche qui s'ouvrait au bas de la place de l'église.

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Afflux de sang et chute de grenaille partout, la pluie grêle traverse les chairs, fait des ronds dans les marres d'eau rougeoyantes, échos minuscules aux surfaces par dizaines de milliers dans le grand grondement roule comme le tonnerre, rampe sur le pays comme ombre qui lézarde avec lenteur cruelle, l'explosion au ralenti des déflagrations fulgurantes.