lundi 29 mars 2010

137 : dimanche 28 mars 2010

"Je vous écris d'un pays lointain" (9) C’est coutume très répandue ici, que d’inscrire une phrase sur la porte d’entrée. On en lit de beaucoup de manières. Souvent des pensées empruntées. Parfois, j’avoue, bien utiles ces sentences accrochées : évitent de perdre temps précieux à s’embourber de traquenard. Vous lisez, et aussitôt vous possédez certitude qu’il faut passer votre chemin. Certaines, de temps en temps, m’intriguent pendant que mes promenades. Surtout dans maisons vieilles et que des lettres effacées. Et qu’on ne sait plus ce qui, de ce que lu ou de l’écrit passé, il faut choisir. Récemment, j’ai décidé changer celle qui sur porte mienne. Chaque fois que rentrer, sa lecture me faisait choir en grand doute. Bien réfléchi avant de décider. Mais depuis, chacun des jours, je ponce ces lettres avec grande minutie. Que rien n’en reste. Vous aimeriez savoir ce qui d’écrit, sans doute. Mais à quoi bon puisque tant d’énergie à faire disparaître mots du dehors ! Vous comprendrez un jour, vous devinerez quel assemblage accroché là. Quand mieux saurez qui je suis, aurez peut-être idée des lettres mortes. Bien à vous, …

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L'heure de la peur (11) J’étais resté à Fontenay tout l’après midi. Les infos que j’avais obtenues à « l’étage » m’en disaient plus que les rétentions de Grunswald. J’avais merdé, c’est vrai, mais il m’était redevable des six mille balles… J’avais donc rôdé la plupart du temps entre les lieux où étaient susceptibles d’aller Nadine et ses mômes : restaurant, centre aéré, cinéma, salle des fêtes et clubs de sports, mais rien ! Personne ne les avait vus ces derniers temps et si oui, ils n’étaient pas causant. Jouissant d’une nouvelle identité à chaque rencontre, je me faisais rembarrer. Récalcitrant à l’égard des pouvoirs publics ? J’allais leur montrer le prix qu’ils allaient reverser si jamais leur claque-merde s’évertuait à jouer de l’huître ! Je décidai donc de brusquer la première venue, c’est plus facile ! Une femme déjà mûre tenait un point presse. L’affaire de Nadine faisait la une du canard local : « La tueuse au tire-bouchon : la spirale infernale ? » Et je ne pus m’empêcher de penser au visage triste de la patronne de « l’étape ». - Bonjour madame, Libé et le Figaro, s’il vous plaît. - Tenez… - Faut goûter de tout comme on dit ! - Oh vous faîtes ce que vous voulez, ça me regarde pas ! - Je suis Anselme Piquelard du bureau du préfet ; vous la connaissiez cette Nadine dont parle le journal ? - Pourquoi, ça vous intéresse ? - Et bien oui et c’est pour ça que je discute avec les habitants de Fontenay… Alors? - Je la voyais de temps en temps, elle venait acheter Connaissance des arts. Je lui mettais de côté d’ailleurs ! - Et sinon ? - Pas grand-chose mais elle connaît bien la bibliothécaire, je crois ! C’était un peu sa confidente. - Comment vous savez ça? - C’est mon mari, il est au conseil municipal mais allez-y demain, ça sera ouvert ? L’adresse c’est quoi, j’ai oublié… - Au 42 de l’avenue Pierre Mendès-France ou 40, enfin bref ! - Merci et bonne soirée. Il était 20H45 lorsque j’entrai dans un hôtel de Fontenay, « la chaude couverture ». Je m’installai dans la chambre et pris une douche chaude. Je pensai à Grunswald et à la pourriture qui soutenait, en fait, les beaux discours politiques. Ce sont de vrais danseurs ces politiques, des équilibristes même ! Si facile de les corrompre : un bifton dans le veston et une petite tape sur cette frappe (genre amicale) et le tour est joué. Je descendais dans le resto et commandai un salé aux lentilles avec un Morgon. Le pied total en ce mois de février. La serveuse était une jolie fille de vingt ans à peine, que recouvraient un pull à col roulé pourpre, un jean à la taille haute et une paire de Doc Martens. J’avais envie d’elle et je m’amusais à penser qu’une minette de dix ans ma cadette puisse ce soir se retrouver à mordre l’oreiller. Je fantasmais et continuerai malheureusement : mon corps était pris. Peut être serai-je atteint d’un petite mort au détour de caresses et de pensées éparses. Je remontai donc pour faire une sieste avant d’aller chez l’autre folle. C’est cool, j’ai deux heures.

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Le logement avait été coupé dans un bâtiment de brique, de métal, de verre et de zinc, et déplacé à quelques rues de là. Une frise de porcelaine orne la façade, répartie sur plusieurs registres, selon la tradition locale. Elle est constituée de trois-cent-soixante-huit assiettes ornées de motifs de gibier, de viande, de fruits et de fromage. Le cadre en acier est directement dans le temps, selon les intentions secrètes que certains avaient prêtées à Eiffel. Ce sont deux employés en disgrâce du célèbre ingénieur qui ont procédé à l'extraction du logement hors du grand bâtiment. Le canton avait tenté sans succès de solliciter Gustave Eiffel lui-même, qui les avait crus fous.