lundi 22 mars 2010

130 : dimanche 21 mars 2010

"Je vous écris d'un pays lointain" (8) Aujourd’hui, lettre mienne a bien failli ne pas s’extraire. Si peu dormi, et chaque fois de ces rêves qui encreusent. Beaucoup de visages à la ronde, et se sentir démunie pour repousser l’assaut. Ainsi chez vous que les morts vous témoignent ? Nuit de sueur et d’emprise, alors grande fatigue quand pénétrer le jour. Comme si perdu trace entière de l’hier. Qu’éloignée de la route en égarer jusqu’à la croyance. Heureusement grande lumière me baigne, ce matin. Et premières fleurs autour, dans l’arrière-cour. Mais si brutal qu’ainsi encore le monde en marche, quand au-dedans s’y achaler sans voix. On dit que bon remède aller marcher. Qu’avec les pas un grand brassage des mots. Chaque fois qu’ainsi, constat le même : mots s’acharnent longtemps, s’imbriquent en cercles et tourbillons, mais s’épuisent à la cadence quand régulière. S’alentissent et s’éloignent. Un peu de répit alors. Et de nouveau au monde. Bien à vous, …

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J'ai encore plus chaud que je n'avais auparavant depuis que j'ai peur, pourtant dans la moiteur étouffante du métro au mois d'août, je ruisselle, ma chemise blanche me colle le long du dos, mon front est trempé, je n'essaie même plus de lire la page 414 de Manhattan Transfer, il faudrait que je surveille mes mains mes bras, que je sois attentif à mes gestes, recueillir des sensations avec une précision que je ne pourrais pas inventer, ça m'aiderait plus tard pour me convaincre de mon innocence, d'opposer à ma panique la consistance du réel, du réel rassurant plutôt que de l'imagination du pire, qui prend l'angoisse avec elle et vous fait avaler n'importe quoi, vous fait prendre au sérieux des choses que vous n'auriez même pas imaginé sans le travail de la peur dans votre tête. Je sors de la rame, depuis le quai je regarde comme un fou chacun leur tour les trois enfants, l'adolescente et la femme, je veux que mon regard convainque mon esprit qu'ils sont bien là, sains et saufs, tout à fait indifférents à mon existence et à ma présence auprès d'eux, depuis six stations que nous sommes dans la même rame, moi au fond sur un strapontin, la femme près des portes coulissantes avec le petit garçon qui s'agite dans la poussette, l'adolescente et les deux garçons assis derrière, je veux être sûr maintenant qu'ils vont bien après m'avoir croisé, parce que le métro va partir et je ne serai plus dedans, je ne pourrai plus voir qu'ils vont bien. Ils sont sous mes yeux, tout est normal mais l'angoisse ne retombe pas, la vérification ne fonctionne pas, j'ai vérifié tout va bien mais pour ma peur ce n'est pas si certain. Je sais que je vais passer l'après-midi à me repasser encore et encore le film et que les versions seront interchangeables, qu'elles bégaieront sans relâche jusqu'à ce que je ne sache plus, que je m'en remette à l'espoir que la police me trouve rapidement si j'ai commis le pire. Il faudra plusieurs jours pour que s'impose quand bien même sans autorité la certitude naturelle de n'avoir rien fait, de ne pas avoir commis le pire, pendant ce trajet de métro.