jeudi 21 janvier 2010

70 : mercredi 20 janvier 2010

Les messagers des explorateurs francs-tireurs arpentaient le Vieux Continent pour vanter auprès des Cours les mérites de la merveilleuse découverte de leur flotille, et les profits qui pourraient être tirés. Un île au climat hospitalier, assurément grande puisqu'ils n'avaient pas même pu en embrasser toute l'ampleur, laquelle pouvait, soutenaient-ils, s'étendre aux dimensions d'un continent. Le véritable joyau que ne manquerait pas de constituer cette terre pour celui qui la possèderait justifiait le prix très élevé qu'en demandaient ses découvreurs. Gênois et Napolitains se montraient très intéressés, ainsi que les Prussiens. Les Français souhaitaient surtout que l'Angleterre n'en devienne point propriétaire, et se disaient prêts à faire monter les prix si la Perfide Albion se prétendait acquéreur. Les messagers francs-tireurs promirent de ne point proposer le marché aux Anglais, mais bien sûr ne purent garantir que l'on n'en entendît mot outre Manche. Ils se rendirent sur le champ à Londres. Ils iraient plus tard en Espagne et en Hollande. Le continent entier ne tarda pas à bruisser des nouvelles de cette découverte mirifique et de sa disponibilité au plus offrant, si bien qu'à la Commune de Wavre, dans le Brabant, on s'interrogea : cette nouvelle terre ne serait-elle pas le fameux Continent Retiré, qui les Wavriens avaient découvert, exploré et sur lequel ils s'étaient modestement implantés. Le Continent Retiré avait subitement et très mystérieusement disparu, il n'était donc point improbable qu'il revienne aussi fantastiquement de nouveau. Si la preuve pouvait être faite que les terres dont la vente était proposée par les francs-tireurs étaient la réapparition du Continent Retiré, la légitimité de ses plus récents possesseurs serait contestable. Les Wavriens pesaient trop peu pour espérer se faire obéir mais ils se pensaient capables de faire appuyer leur voix par un ennemi de leur concurrent à la possession de cette contrée dont ils étaient persuadés qu'elle étaient la leur.

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Je n’en étais encore qu’au début de mes études, qui promettaient d’être d’autant plus longues que j’ignorais où j’avais envie qu’elles me mènent. Aucune vocation ne m’avait saisi, aucune activité potentiellement rémunératrice ne soulevait mon intérêt. Mon futur professionnel était donc aussi flou que certain mon avenir amoureux ; car pour ça, point besoin de se poser des questions, c’était écrit, j’allais vivre avec celle qui était à la fois l’amie de ma sœur et la sœur d’un amour déchu. Et alors que cette passion pour la cadette avait déchiré mon cœur adolescent, l’aînée et moi jetions au contraire les bases raisonnables, sereines et feutrées d’un lien fait pour durer. Elle enseignait depuis peu dans un lycée d’une ville charmante, à quelques heures de route de celle où je m’acharnais à tenter d’être le meilleur élève dans une discipline qui m’ennuyait. Il n’était donc pas question bien sûr, puisque pas raisonnable, de manquer des cours pour aller la rejoindre au beau milieu d’une semaine. Le samedi et le dimanche, j’avais toujours beaucoup à faire entre les visites à ma famille, les séances de sport indispensables et mes répétitions dans l’orchestre de mon village auquel je n’aurais pas eu le courage de faire mes adieux. Elle et moi, nous nous voyions donc deux ou trois heures par semaine, et passions de temps en temps une journée ensemble pendant les vacances scolaires. Elle continuait à m’apprendre à danser le fox-trot et le bransle de Noirmoutier, nous discutions de nos lectures ou finissions un puzzle. Cette réconfortante et platonique relation dura ainsi près de trois ans.